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    A Ghost Story
    Anecdotes, potins, actus, voire secrets inavouables autour de "A Ghost Story" et de son tournage !

    On prend les mêmes...

    David Lowery réunit à nouveau Rooney Mara et Casey Affleck après Les Amants du Texas, sorti en 2013. David Lowery était resté en contact avec eux depuis le tournage. Depuis ce film, les deux comédiens sont devenus des stars reconnues, qu’on a pu voir respectivement en haut de l’affiche de Manchester By The Sea qui valut l’Oscar du meilleur acteur à Casey et Carol aux côtés de Cate Blanchett pour Rooney Mara. Tous deux étaient enthousiasmés à l’idée de tourner quelque chose de simple, à l’emporte-pièce et surtout sous la direction d’un réalisateur avec lequel ils avaient adoré tourner. Ce dernier ajoute : "Je les avais déjà pratiqués, je connaissais l’alchimie cinématographique qui les liait, celle-ci étant évidente, je savais que cela fonctionnerait d’autant plus que le personnage de Casey meurt très vite. Il fallait que l’on sente la chair et l’affection de leur couple, une relation aussi intense et passionnée que possible".

    Fantômes contre Fantômes

    David Lowery est un de ces rares cinéastes à être aussi à l’aise dans l’exercice des films de studio que dans celui des productions indépendantes. Sous forme d’une exploration poétique du temps et de la transmission, le film questionne frontalement la notion du sens de notre vie. Ici le poids de l’existence vient tourmenter les vivants comme les morts, informant toute chose, que ce soit à travers l’errance fantomatique et mélancolique de Casey Affleck sous les plis de son drap blanc, le monologue philosophique dénué d’espoir de Will Oldham plus tard dans le film, ou encore les longs plans séquences du réalisateur, inspirés par le cinéma asiatique ou européen.

    "Le temps n’épargne personne, plus tôt nous l’acceptons, plus légère se fait notre enveloppe charnelle. Au bout d’un moment, il faut lâcher prise, nous n’avons pas le choix. Se battre avec cette absence d’options est extrêmement compliqué. C’est un des aspects principaux de ce film", explique le réalisateur David Lowery.

    "Je suis systématiquement horrifié par la vitesse à laquelle le temps fille. Ce film est une tentative littérale de faire la paix avec le temps qui passe. Que cela me plaise ou non, il passera et tout mon travail finira par devenir insignifiant. Quelque part nous sommes tous des fantômes finalement. Certaines de nos actions et de nos pensées nous permettent de supporter notre méconnaissance de notre âme."

    Merci à Elliott le Dragon

    A Ghost Story, petit film indépendant, a été réalisé grâce à l'argent récolté par David Lowery sur la réalisation du blockbuster Peter et Elliott le Dragon, sorti en août 2016. En mai 2016, le projet est passé d’une esquisse de 10 pages à un dossier de 40 pages épurées qui ont constituées le script à partir duquel le film a été tourné. David Lowery bouclait à peine le tournage de Peter et Elliott le dragon qu’un mois plus tard, il enchaînait avec celui de A Ghost Story. "On a fini le premier le 10 juin et commencé le deuxième le 12. Après 3 ans sur une super production, ça faisait du bien de revenir à un exercice à taille humaine, plus libre, où on se fie principalement à son instinct. J’étais loin de vouloir couper avec ce que je venais de faire. Au contraire, je me suis servi largement de mon expérience sur Peter et Elliott le dragon, pour l’infuser d’une

    manière et à une échelle totalement différente".

    Réflexion sur l'amour et le deuil

    A Ghost Story est une réflexion puissante sur l’amour et le lien, à travers le deuil de sa compagne vivante que porte le personnage décédé du film, cherchant au fil des ans un sens à sa profonde solitude.

    "Au final je suis un romantique. Je ne décide pas de faire des films d’amour, mais d’une manière ou d’une autre c’est comme cela qu’ils finissent. Cela est aussi dû à l’incroyable alchimie entre Casey Affleck et Rooney Mara, qui est palpable même quand ils ne sont pas ensemble à l’écran. Je n’essaie pas de dire qu’un lien puisse transcender le temps et l’espace, c’est une chose à laquelle je ne crois pas. Mais je pense que certains liens que nous tissons avec certaines personnes peuvent nous aider à faire en sorte que les épreuves les plus dures de notre vie ne finissent pas en désespoir", analyse David Lowery.

    Tournage texan

    A Ghost Story a été tourné dans la ville de Irving, au Texas.

    Quête universelle

    En dépit de son sujet sombre, le film offre l’alternative de l’espoir. Il est possible de trouver un sens à sa vie, ne serait-ce qu’à travers la plus infime marque que nous laissons derrière nous, comme celle que laisse Rooney Mara dans un mur de sa maison. La possibilité de créer quelque chose qui nous survive est un moteur puissant, une manière de tromper la mort et de flirter avec l’éternité.

    "Nous nous démenons pour nous assurer que quoi que nous fassions, cela va durer. Le plan où Rooney Mara cache quelque chose qui est connu d’elle seule, comme un petit bout d’elle-même, est une tentative de maîtriser le temps, de corriger la brièveté de son existence terrestre. C’est une quête universelle, nous essayons tous d’avoir un impact sur le cours des choses qui nous entourent. Nous combattons tous la fugacité de nos existences", estime David Lowery.

    Une dispute bénéfique

    A Ghost Story, projet très personnel pour David Lowery, est né après une dispute avec sa femme en décembre 2015. Ils se querellaient à propos du choix entre un hypothétique déménagement à Los Angeles, où le genre de production comme Peter et Elliott le dragon était légion, ou de rester au Texas où le réalisateur puisait son inspiration pour des films plus personnels comme Les Amants du Texas.

    "Ça a été une de nos pires disputes. On aurait dit une scène de film tellement l’intensité était dramatique", révèle le cinéaste. Pendant les mois qui ont suivi, d’autres idées s’y sont ajoutées, influencées par de nombreuses obsessions qui lui étaient propres, dont la notion du temps et la manière dont il passe dans les espaces physiques. Notamment les couloirs et les seuils qui sont chers au cinéma de David Lowery. Ben Foster, un des comédiens des Amants du Texas confiait d’ailleurs lors d’une interview que le réalisateur était plus obsédé par l’embrasure d’une porte que par le comédien qui s’y tenait, ce que David Lowery ne dément pas. Il en profite pour ajouter : "Je pourrais rester des heures à contempler une entrée vide."

    Trouver la bonne maison

    Toby Hallbrooks et James M. Johnston, les producteurs de A Ghost Story, ont contacté des compagnies de démolition texanes dans les environs de Dallas, dans l’espoir de trouver une propriété condamnée qui pourrait servir de décor au film, et qui serait par la suite détruite comme le scénario l’exigeait. Ils ont trouvé une maison délabrée à Irving, la banlieue même où David Lowery avait grandi. Ses propriétaires Scooter et Barbara Walsh ont facilité le tournage en accordant l’autorisation de redécorer cette maison de plain-pied alors qu’ils avaient prévu de la détruire afin d’en reconstruire une nouvelle.

    Le thème du fantôme

    David Lowery nourrit une fascination pour les fantômes et notamment la manière dont le commun des mortels se les représente errants et couverts d’un drap blanc. "Cela faisait des années que je voulais raconter une histoire de fantômes. J’adore l’iconographie du fantôme en drap blanc. Vous pouvez montrer cette image à n’importe qui dans le monde il saura immédiatement ce qu’elle représente." Au fil des ans, le cinéaste a vu cette image défier le temps, que ce soit dans des clips musicaux, dans la photographie ou dans Finisterrae (Sergio Caballero, 2010) un film espagnol où deux fantômes vêtus de draps blancs erraient dans la campagne espagnole. Il cite également une scène mythique d’Halloween (John Carpenter, 1978) où Michael Myers se pare d’un drap blanc avant de partir pour sa virée sanglante. "Un mec avec un masque qui se met un drap blanc sur la tête, c’est encore plus troublant", déclare Lowery.

    Gros plan sur Rooney Mara

    En dépit d’un film conçu avec des plans larges et longs pour mettre en exergue la dimension cosmique de la réflexion, David Lowery, en contraste, use et abuse des gros plans sur sa comédienne principale. "Rooney Mara a un visage qui capte exceptionnellement bien la lumière et est capable d’illuminer un film, voire de l’influencer de manière radicale. C’est distinctif des grandes stars. Une fois qu’on a en face de soi un tel visage, il faut savoir l’utiliser correctement. Un visage pareil peut apporter plus de nuances qu’un dialogue".

    Dès le début du tournage, le réalisateur et son directeur de la photographie Andrew Droz Palermo ont commencé à filmer Rooney Mara en plans de plus en plus rapprochés, afin de capturer ses sentiments, dans des plans captivants. Que ce soit les moments où elle regarde son compagnon composer, ou bien ceux où elle le pleure, les traits de la jeune femme traduisent ses émotions dans des plans singulièrement statiques. "On a vite compris qu’on resterait dans cette valeur de plan, c’est ainsi qu’elle irradie le mieux."

    Inspiration

    Avant le tournage, David Lowery et son directeur de la photographie Andrew Droz Palermo se sont retrouvés à Los Angeles afin de faire des recherches autour du travail du photographe Gregory Crewdson et pour étudier les films de Tsai Ming Liang comme Et là-bas quelle heure est-il ?Goodbye Dragon Inn et ceux d’Apichatpong Weerasethakul comme Cemetery of Splendour, dont les longs plans statiques donnent une impression de transe et de suspension du temps.

    "J’adore ces films parce que j’ai une capacité d’attention très réduite, et j’éprouve souvent des problèmes à me concentrer. C’est plus facile de suivre des films qui ont des longs plans, car il y a moins de montage. À chaque raccord d’image, le cerveau est obligé de faire le lien entre deux images, ou deux idées, ce qui est épuisant. C’est pourquoi certains films d’action qui durent 3 heures vous laissent éreintés. Vous vous y livrez à une gymnastique mentale de fou, sans même vous en rendre compte", explique David Lowery.

    Une histoire de tarte

    La scène où Rooney Mara dévore en plan fixe une tarte pendant près de 4 minutes, sous l’oeil impassible du fantôme de son compagnon, a fait les gorges chaudes du festival de Sundance lors de sa projection. "Nous voulions créer des tableaux très esthétiques où le spectateur pourrait se perdre, en les filmant en plan fixe sur une durée donnée. Il faut en fait un certain temps pour vraiment s’immerger dans une image et nous voulions explorer les limites de la concentration que cela demande avant que votre esprit ne décroche pour passer à autre chose. La scène de la tarte est composée de deux prises, où ce sont les lignes de fuites de la maison (si typiques des intérieurs texans de plain-pied) qui nous en ont imposé la longueur et la valeur. Chaque plan du film obéit à sa propre linéarité temporelle", analyse David Lowery.

    Filmer en 4/3

    Dès la conception du projet, David Lowery savait qu’il filmerait en 4/3, un format où la largeur de l’image est un peu plus grande que sa hauteur, afin de souligner le non-conformisme de son long-métrage. "C’est un format plus petit. Elephant a été le premier film contemporain que j’ai vu en 4/3. Les images vous surplombent plutôt que de s’étirer devant vous. Elles vous dominent en quelque sorte, tout en confinant et rétrécissant les personnages et par extension, le public." Le metteur en scène a également choisi d’encadrer son image avec une vignette aux bords adoucis, ce qui donne au film une dimension supplémentaire. "On a de plus en plus tendance à regarder des films sur des écrans haute définition, le 4/3 du coup y apparaît au milieu d’un espace rectangulaire. Les bords adoucis de la vignette qui encadre l’image annulent ce côté rectangulaire, en adoucissant l’effet de claustrophobie et de confinement du personnage qui en est prisonnier pendant toute la durée du film", précise le cinéaste.

    Univers musical

    Pour A Ghost Story, il fallait créer un univers musical qui collerait à cette mise en scène de la fuite du temps. Daniel Hart a travaillé sur tous les films de David Lowery dont le court-métrage qui l’a rendu célèbre Pioneer en 2011. Alors qu’il travaillait sur Peter et Elliott le dragon, il a joué au réalisateur une chanson pop qu’il avait composée pour son groupe Dark Rooms intitulée "I Get Overwhelmed". En écrivant le script de A Ghost Story, David Lowery se repassait le morceau en boucle, si bien qu’il a fi ni par l’inclure dans le scénario. "Ça collait complètement au thème que je développais. Cette sensation de se sentir dépassé, de ne pas avoir le contrôle de votre propre vie. Daniel m’a donné les droits pour utiliser ce morceau dans mon film et c’est devenu un élément central de l’histoire."

    Pour la bande-son elle-même, le réalisateur a demandé à Daniel Hart de se concentrer sur l’aspect horrifique des fi lms de fantômes. Il l’a poussé à aller vers des sonorités étranges, distordues et électroniques, le contraire de ce qu’ils avaient fait dans Peter et Elliott le dragon. "C’était l’occasion pour Daniel de tester quelque chose d’entièrement différent, et il s’en est donné à coeur joie en incorporant des compositions vocales. Il y a même un morceau où on peut dénombrer jusqu’à 808 rythmiques différentes. Je crois qu’on peut dire qu’il a vraiment fait feu de tout bois, en explorant chaque piste à fond", confie Lowery.

    Le drap blanc de la discorde

    Un des éléments essentiels du tournage était la fabrication du drap que Casey Affleck porte pendant la quasi-totalité du film. Le costume conçu par Annell Brodeur, n’était pas un simple drap, mais était composé de plusieurs couches pour lui donner du relief, et d’un masque qui permettait aux yeux de l’acteur de rester en face des trous du drap. "C’était censé nous faciliter la tâche, mais en fin de compte c’est devenu très compliqué, voire même, infernal. Le porter c’était déjà une chose alors qu’il faisait près de 40°C dehors, mais le filmer en 4/3 sans qu’il n’apparaisse ridicule ou cartoonesque n’a pas été une partie de plaisir non plus. Il a fallu sans cesse revoir les plans qu’on avait prévus. C’est devenu un processus d’apprentissage permanent : on ne filme pas un fantôme comme un être humain", relate David Lowery.

    La tentative d’en faire une créature aussi éthérée et fantasmagorique que possible, avec un acteur empêtré dans les mètres de drap du costume, s’est vite transformée en défi. Les plis, les froissements et les volutes du drap donnaient du caractère et de la profondeur au fantôme, mais il fallait constamment les ajuster, les raccorder et surtout qu’ils tombent bien quand il y avait du mouvement. "Le simple fait de s’asseoir, ou de se retourner, même un simple geste de la tête devenait un enfer parce que le costume bougeait en même temps que le comédien mais de manière indépendante. Il suffisait d’un faux pli, d’un mauvais drapé pour que l’illusion s’écroule. Et malheureusement Casey n’avait aucun pouvoir sur les plis de son costume", précise le cinéaste.

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