On m’en avait dit beaucoup de mal, mais la somme des critiques que j’avais lues offrait un jugement plus contrasté...et puis, voir le cinéma américain décider d’utiliser un fantôme autrement que pour ouvrir des portes qui grincent ou apparaître soudainement dans le reflet d’un miroir, ça méritait clairement un coup d’oeil en passant. De toute façon, il y n’y avait aucun risques que le fantôme puisse effrayer qui que ce soit puisqu’il apparaît sous la forme la plus classique et enfantine qu’on puisse donner à un fantôme, celle d’un drap blanc avec des trous sombres pour les yeux. Comme cette histoire de fantôme n’a rien d’un récit d’épouvante, on peut considérer ce choix visuel avec une certaine sympathie mais, à l’instar de la photographie au format diapositive 4:3, elle est symptomatique de tout ce que le film, petit à petit, peut charrier d’irritant. Par le biais de ce fantôme silencieux, témoin de la vie qui se poursuit en son absence, c’est de deuil que parle David Lowery, moins celui des proches qui doivent continuer leur route que celui du spectre lui-même, incapable de renoncer à ce qui le définissait comme vivant, qu’il s’agisse de son foyer et de celle qu’il aimait, et qui n’hésite pas à manifester sa désapprobation vis-à-vis de certaines évolutions au moyen de quelques “phénomènes paranormaux� bien connus. Pour le spectre comme pour le spectateur, la perception du temps se déforme : secondes, mois, années cessent d’avoir une signification précise : lorsqu’il pense avoir fait le tour de ce rapport aux vivants, Lowery s’embarque alors dans une réflexion philosophique sur le Temps dont on sent bien qu’elle se voulait vertigineuse mais qui s’avère finalement quelque peu obscure, comme tous les trips intellos gratuits.. C’est tout le problème de ce film, d’ailleurs : à chaque seconde, on ressent avec acuité tout ce qu’il rêvait d’être, et on repère aisément les moyens qu’il utilise pour y parvenir : par exemple, désorienter la perception temporelle du spectateur en accordant des valeurs différentes aux événements, donner du poids et du signifiant à des scènes en apparence banale en étirant à l’excès leur existence à l’écran...un tel exercice est délicat, et Lowery n’en maîtrise visiblement pas toutes les contingences. Ainsi, la scène où l’épouse endeuillée se goinfre rageusement de tarte jusqu’à en être malade dans un long plan fixe de plusieurs minutes était sans doute destinée à créer un climax émotionnel : d’une longueur mal maîtrisée, elle sombre au contraire dans le grotesque...et les exemples du même tonneau sont nombreux ! Pourtant, j’accueille toujours avec bienveillance toute idée un tant soit peu originale, je ne reprocherai jamais à une oeuvre d’être trop lente ou trop silencieuse et les concepts de deuil non réglé, de regret et du temps qui vous file entre les doigts fonctionnent totalement sur moi. Malheureusement, la recherche permanente de la posture auteurisante et arty dont fait preuve ‘A ghost story’ finit par empoisonner tout son propos et, le réduisant à un vaniteux exercice de style, le coupe de toutes ses potentialités émotionnelles.