Pourquoi faire simple alors qu'on peut faire compliqué? On dirait que Dupieux suit ce principe pour ce qui semblait une comédie simple dans un premier temps: un interrogatoire au suspect dans le commissariat, à huis-clos. On s'attendait une parodie du genre policier français années 80 après avoir connu l'affiche du film, mais Au poste! nous trompe avec son apparence pour se révéler comme quelque chose de plus compliqué. Ce n'est pas qu'un hommage aux maîtres de l'humour absurde ou surréaliste, en plus de cela, le schéma narratif devient un mécanisme où chaque nouvel élément amplifie les limites du récit.
Le prologue, délirant, joue avec la bande son des génériques du début: on passe d'une scène improbable au milieu de la campagne à la radio du commissaire qui écoute un concert. Pareil que pour Le fantôme de la liberté de Buñuel, où on passait des fusillades du 3 mai 1808 à Madrid à un parc de nos jours pour découvrir que la narratrice était en réalité une femme de ménage qui lissait les Épisodes nationaux de Galdós sur un banc. Dupieux va droit à son but, pas d'introduction pour les personnages, qu'on trouve déjà dans le lieu où ils seront tout au long du film. Un homme, apparemment innocent, racontera un témoignage assez invraisemblable qui se compliquera quand des événements improbables auront lieu devant son œil.
Les premiers minutes du film, encore au commissariat, sont chargés de répliques répétées et des éléments atypiques qui provoquent aucune réaction dans les personnages, soit le policier qui est né avec un œil couvert par sa peau. Tout ceci rappelle aux Monty Python, est le moment qu'on s'habitue à ces blagues un événement inattendu bascule d'un coup le récit vers la comèdie d'intrigue. Un problème qui aurait une solution facile se complique soit par la panique, soit par la sottise du personnage. Toutefois, comme dans la comédie il n'y a pas d'histoire sans que les choses se compliquent, on accepte la maladresse de l'homme en question avec un grand sourire.
Le placard du concierge, désormais présent dans beaucoup de plans, marque la présence d'un secret qui, fort probable, sera découvert. Comme cela, cet élément crée l'humeur absurde de la situation pareil que le coffre de Rope créait le suspense du récit de Hitchcock.
Dupieux joue avec nos expectatives encore une fois et quand on croit que le placard deviendra le centre du film, d'un coup, on se retrouve avec une série de flash-backs qui remémorent, une par une, les fois que le suspect est sortie de chez lui. Des espaces ouverts, presque vides aux décors rétro-futuriste, des personnages silencieux et des éléments qui se répètent, notamment la voisine qui ouvre la porte à chaque passage. C'est la formule que Jacques Tati avait sublimée dans sa juste, mais précieuse, filmographie. Pour couronner le tout, dans ces flash-backs, les personnages du présent s'immiscent dans le passée, brisant les lignes temporelles et le quatrième mur avec le public, comme seulement Charlie Kauffman a su faire ces dernières années.
Finalement, la fin s'approche mais, un twist final, encore Buñuel présent dans un hommage à Le charme discret de la bourgeoisie, nous sort de tout cadre possible pour, dans la dernière minute du film, revenir au point de départ, ce qui provoque qu'on reçoive en éclatant de rire l'absurdité d'une idée si géniale. Chaque élément que Dupieux introduit, marche. Plus difficile encore, il crée une paradoxe si atypique comme sa vis comica: Les choses simples deviennent plus compliquées, donc ils sont plus simples, c'est pour ça.
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