My Zoé : les secrets du tournage

A l’origine de My Zoe, il y a chez Julie Delpy cette fascination qu’exerce sur elle l’idée que nous sommes des individus uniques et irremplaçables. La réalisatrice souhaitait questionner ce qui nous définit en propre, à savoir le mariage de l’inné et de l’acquis, de la nature et de la culture. Elle précise :

"J’ai beaucoup lu sur la génétique, j’observe beaucoup mon fils ou les enfants de mes amis, et je constate que notre nature, qui nous constitue fondamentalement, est extrêmement puissante. Puis il y a aussi le fait qu’au moment de l’écriture, je me suis séparée du père de mon fils. C’était tellement difficile et traumatisant que j’ai eu l’impression de couper mon enfant en deux – ce qui m’a fait penser à l’histoire du roi Salomon, qui m’a toujours passionnée. J’ai eu la sensation que mon enfant se réinventait et devenait une personne différente avec chacun de ses parents."

Avec My Zoe, Julie Delpy collabore une fois de plus avec Daniel Brühl, après La Comtesse (2009), 2 Days in Paris (2007) et 2 Days in New York (2012).

Pour le scénario, Julie Delpy s'est principalement inspirée de choses que son fils lui a racontées. Elle confie : "Je trouve fascinant cette faculté qu’ont certains enfants à vous parler de ce qui existait avant le big bang ou à vous questionner sur notre rapport au temps, sur les rapports entre le tout et le néant, sur un ensemble de notions philosophiques essentielles. C’était important pour moi que Zoé pose ces questions, parce que c’est une réalité que vivent les parents. Je pense qu’il y a une profondeur, une sensibilité philosophique innée chez les enfants."

Le scénario de My Zoe est structuré en trois actes, qui s'éloignent de plus en plus du réalisme. Le premier acte traite d’une réalité assez classique ; le deuxième se fonde sur une épreuve douloureuse ; et le troisième s’éloigne de nos repères et explore, par une science-fiction légère, une dimension métaphysique mais plausible.

Julie Delpy a opté pour des cadres très aérés qui laissent de la place à la navigation des personnages et au regard du spectateur. Il était en effet important pour la cinéaste qu’il y ait toujours de la distance entre les protagonistes (surtout entre Isabelle et James). Elle développe : "Quand ils s’assoient, il y a toujours de l’espace entre eux. Même quand Isabelle parle à son amant, elle se tient à l’écart. Ainsi, quand les personnages se prennent dans les bras, l’effet produit est plus puissant. J’avais à cœur de créer cette dynamique physique, cette alternance de froideur et de moments de tendresse. Je voulais donc que la caméra soit à distance et qu’il y ait peu de gros plans."

C’est grâce à Daniel Brühl que My Zoé a pu être tourné. La comédien allemand a en effet coproduit le film et est parvenu à trouver son financement.

Julie Delpy ne voulait pas d’une atmosphère sombre malgré la gravité du sujet qu'elle aborde. La réalisatrice avait constamment en tête l’idée d’un laboratoire : "Les expérimentations se font dans la lumière et j’avais envie d’une image presque médicale. Nous avons travaillé dans cette direction-là avec Stéphane Fontaine, mon chef-opérateur. Quand Isabelle part en Russie, je souhaitais que l’image soit presque froide. Beaucoup des décors du film sont très éclairés par nature, comme l’hôpital, par exemple."

Julie Delpy a opté pour un casting composé de comédiens de diverses nationalités parce qu'elle souhaitait avoir, dans son film, un mélange d’êtres déconnectés de leurs racines ayant tous un point de vue différent sur la vie.

Julie Delpy a trouvé la petite Sophia Ally en faisant un casting : "Elle est très brillante et a tout de suite compris l’histoire. Elle est très douce et sensible, et me posait des questions existentielles comme le fait son personnage, c’était étonnant ! Par exemple : « Pourquoi Dieu est-il à l’image d’un homme ? » !"

La réalisatrice a fait le choix de ne pas inclure beaucoup de musique dans My Zoe. Julie Delpy et son équipe ont ainsi beaucoup travaillé les sons de la vie quotidienne au mixage (ventilateurs, oiseaux, vie urbaine, etc.). "Chaque son était étudié. Au fur et à mesure que le récit avance, les sons deviennent plus pesants. Les oiseaux disparaissent presque du deuxième acte, par exemple, hormis au petit matin. Et vers la fin, il n’y a presque plus de sons, car les sens finissent par disparaître. Comme le montage, le mixage a représenté un travail très minutieux", précise-t-elle.