ATTENTION SPOILERS !!
Second long-métrage de Dominique Moll, "Harry, un ami qui vous veut du bien" démarre plutôt bien. Sergi Lopez campe un psychopathe débonnaire et plein de fric (Harry) qui rencontre un ancien copain de lycée par hasard et ne tarde pas à s’incruster dans sa vie, lui achète un 4x4 et récite par cœur des textes datant du lycée que Michel (Laurent Lucas), jeune père de famille débordé, a complètement oublié - cela donne lieu à une scène à table plutôt réussie, largement reprise au moment de la sortie. Ça se gâte lorsque Harry commence à faire le vide autour de son ancien copain, c’est à dire envoyer ad patres ses parents, son frère, puis tenter dans une scène finale abracadabrantesque d’occire sa femme (Mathilde Seigner, grande lectrice de Télé 7 Jours) et ses enfants...
D’abord, les acteurs semblent livrés à eux-même. Sergi Lopez, fortement marqué "Western" (donc bons sentiments), en rajoute dans le registre psychopathe calculateur, mais à aucun moment n’arrive à faire peur - la perversité du personnage ne s’exprime que par les actes qu’il perpétue, et il a beau gober des œufs crus à 4 heures du matin, on n’en a pas la chair de poule pour autant. Michel, le père de famille, est une sorte de Droopy lymphatique dont l’expression ne change jamais tout le long du film - même quand Harry lui propose de buter sa famille au complet, il conserve cette (non) expression figée, plongé dans une torpeur propre aux dépressifs bourrés de neuroleptiques (personellement, j’aurais ajouté "si tu es d’accord, cligne de l’œil une fois"). Certains y ont vu une composition géniale, glorifiant la paralysie faciale comme stade ultime du jeu d’acteur. Ne parlons pas des rôles féminins, ils sont là pour la décoration (ah !, les décolletés de Sophie Guillemin)
Le film est truffé de symboles lourdingues qui feront la joie d’exégètes paresseux - comme le puit comblé par Michel qui symbolise son passé (que Harry vient raviver). Le thème le plus risible est sans doute la révélation (par Harry) des talents cachés d’écrivain de Michel, qui se met du jour au lendemain à noircir des pages entières pour écrire la suite du récit qu’il avait publié dans le journal du lycée : Il ne faut pas compter sur Laurent Lucas (Michel) pour rendre crédibles les motivations de cette passion soudaine, tant son jeu frôle l’autisme.
Ce qui plombe surtout le film, c’est sa construction totalement bancale - aux antipodes des références du genre (comme Hitchcok auquel certains ont vaguement comparé le film), où la terreur et l’angoisse vont crescendo, jusqu’à un dénouement final : ce film ne recèle aucune montée en puissance. On ne sursaute pas un seul instant, le rythme est bancal, les séquences dramatiques où Harry bute les proches de son ancien copain alternent avec des périodes interminables où l’action retombe. Tout cela pour finir par une surenchère totalement invraisemblable (plus comique que fantastique) où Harry propose à Michel de buter sa femme et ses filles, et le bon père de famille ne répond rien (ou peut-être exprime quelque chose sur son visage, mais c’est de l’ordre du subliminal) puis, sans exprimer de peur ou de haine, il tue Harry froidement avec un couteau, comme ça, sans un mot, et, toujours sans émotion apparente, le balance dans le puis qu’il était en train de combler depuis le début du film. La petite famille rentre chez elle, et le mot FIN s’inscrit sur l’écran. Une fin politiquement correcte pour un film faussement subversif.
Critique publiée sur lobotos.com