A l'origine, Anne Le Ny voulait faire une comédie dotée d'une intrigue dans laquelle la bourgeoisie est perçue comme une classe sociale qui tire toujours son épingle du jeu. Puis, lorsque la cinéaste a commencé à travailler sur le film, elle s'est attachée au personnage d’Eloïse/Crampon. Elle explique :
"Parce que mon film pose aussi cette question : est-ce que l’amour peut s’acheter ? Tout le monde a besoin d’amour et besoin d’affection. Et Eloïse, à un moment, va choisir de se les acheter parce qu’elle n’a pas d’autre solution : c’est une jeune veuve ; elle a perdu son mari, puis sa tante ; elle n’a donc plus vraiment de famille et, quand elle tombe sur ses cousins, elle est dans une grande solitude. Alors ses cousins deviennent affectivement sa planche de salut. Et elle va choisir de les corrompre, mais c’est paradoxalement un amour sincère qui génère cette corruption."
Anne Le Ny voit La Monnaie de leur pièce comme une histoire de revanche plutôt que de vengeance : celle d’Eloïse, une jeune femme bourgeoise, un peu paumée, qui prend le pouvoir sur des cousins éloignés qui la martyrisaient lorsqu’elle était enfant et ce, à la faveur d’un héritage qui ne va pas là où ceux-ci l’attendaient.
La Monnaie de leur pièce est aussi un film sur le rapport personnel à l’argent. Anne Le Ny voulait en effet depuis longtemps travailler sur ce thème, qui n'est selon elle pas si souvent traité que cela au cinéma et qui reste relativement tabou. La réalisatrice raconte :
"Regardez tous ces films policiers où l’on montre des gens qui montent des coups extraordinaires ! On vous montre toujours avec quelle ingéniosité, avec quel professionnalisme, ils montent leur affaire. On vous parle d’aventure, de gens rebelles, etc. Alors qu’au fond, de quoi cela parle-t-il ? De cupidité, uniquement de la cupidité. Et ceci n’est pas abordé frontalement. Donc, ce qui m’intéressait, c’était de prendre des gens qui a priori, disons, n’ont pas fait des études de trader, ne veulent pas devenir des gens richissimes, mais qui, quand l’argent passe, quand il y a la possibilité d’en récupérer, ne peuvent pas y résister."
La voix du narrateur est celle du comédien François Morel, célèbre pour son rôle hilarant dans le programme "Les Deschiens" diffusé sur Canal +. Anne Le Ny justifie ce choix : "D’abord, j’aime ce qu’il fait. Ensuite, il pouvait à la fois avoir une certaine sophistication dans l’expression de textes assez écrits, très différents des dialogues, et en même temps apporter une note typée très personnelle. On sait très bien où il se place, François Morel. Il n’est pas du côté de Versailles. Il est du côté des gens de peu, des gens modestes. Et ça, c’était important aussi qu’on le sente dès le début du film, dans sa manière de donner le ton. Il fallait que cela s’entende."
Sur La Monnaie de leur pièce, Anne Le Ny travaille avec un nouveau directeur de la photographie, Laurent Daillan. La cinéaste l'avait rencontré à la fin des années 1990, sur Le goût des autres d’Agnès Jaoui, où elle était actrice. Ils se sont ensuite retrouvés sur le récent Papa ou maman, de Martin Bourboulon. Le Ny explique :
"J’adore le sens de la dramaturgie de Laurent. Et aussi, son exigence. Ce n’est pas parce qu’il fait de la comédie, par exemple, qu’il va suréclairer les plans, comme on a tendance à le faire en France quand on fait de la comédie – c’est-à-dire sans clairobscur, avec des visages très exposées. Laurent, lui, aime faire des choses beaucoup plus sophistiquées que cela. La préparation du film, avec lui, quand on a défini ensemble l’esthétique du film, a été vraiment un grand plaisir."
Sur la forme, La Monnaie de leur pièce se distingue des autres longs métrages réalisés par Anne Le Ny dans la mesure où il s'agit d'un film choral où il n’y a pas vraiment un personnage principal. "Il est moins intimiste que les précédents. Il y a aussi une voix off, des flashes back… des choses nouvelles pour moi, avec lesquelles, côté écriture, je n’avais pas vraiment l’habitude de jouer. C’est aussi cela qui était amusant. Et puis, il y avait des acteurs beaucoup plus jeunes", précise la réalisatrice.
La Monnaie de leur pièce a aussi permis à Anne Le Ny de découvrir un univers particulier, celui des loups. La cinéaste avait rencontré, sur un tournage où elle était actrice, un dresseur de chiens qui lui avait raconté des choses très intéressantes sur les loups, et plus précisément sur le fait qu’il adorait ces animaux, mais que eux ne pouvaient pas l’aimer, parce que génétiquement, ce n’est pas possible : les loups ne peuvent pas s’attacher à un être humain. Elle développe :
"Et donc je me suis intéressée aux loups à cause de cette thématique, qui me paraissait pouvoir éclairer le personnage de Crampon, en me disant : ah ! peut-être est-ce cela le véritable amour (de la part du dresseur) : être capable d’aimer des créatures qui ne peuvent pas vous aimer en retour, comme Eloïse avec ses cousins… Et puis, de fil en aiguille, en lisant des choses sur les loups, je suis tombée sur un autre aspect de l’organisation des meutes qui est la présence parmi celles-ci de l’oméga, le loup souffre-douleur, nécessaire à la survie de la meute. Parce que les loups, ce sont des animaux très puissants qui ne peuvent pas se battre entre eux, sinon ils se tueraient. Ils ont des mâchoires beaucoup trop puissantes. Donc, le fait d’avoir un oméga qui est tout le temps battu, rejeté par les autres, qui mange en dernier, permet à la meute de décharger les tensions dans le groupe. La meute se défoule sur cet oméga, mais sans vraiment lui faire du mal non plus, car il est important qu’il continue à être là. A partir de là, j’ai réorienté la thématique du film sur la prise de pouvoir."