Dans un recoin de ce monde est adapté du manga de Fumiyo Kôno sorti en 2008. Une œuvre pour laquelle la mangaka a d’ailleurs reçu le Prix d’Excellence catégorie manga lors du Japan Media Arts Festival en 2009.
En apprenant que le réalisateur Sunao Katabuchi souhaite réaliser l’adaptation animée du manga Dans un recoin de ce monde, le producteur Masao Maruyama contacte aussitôt la maison d’édition Futabasha. Il apprend qu’un projet d’adaptation en prise de vue réelle est déjà en cours. M. Katabuchi écrit alors à l’auteure, Fumiyo Kono, pour lui manifester son désir d’adapter son oeuvre. Kono, qui connaît le réalisateur grâce à la série animée Lassie dont elle admire le travail, accepte sa demande. Elle dira plus tard que c’était une rencontre du destin.
Sunao Katabuchi a réalisé pendant quatre ans de nombreuses recherches grâce aux archives, écrits et plans des lieux et de l’époque où se déroule l’action. Ainsi, les lieux et les dates sont traités avec précision. Par exemple, lorsque Suzu et Shûsaku aperçoivent, depuis les rizières, le cuirassé Yamato entrer au port de Kure, d’après les registres du Yamato, on peut retrouver qu’il s’agissait du 17 avril 1944. Ce jour-là à Kure, le ciel était nuageux en altitude, mais l’atmosphère était pure et on pouvait voir très loin. Ainsi le spectateur découvre le 17 avril 1944 tel qu’il était vraiment.
Le réalisateur Sunao Katabuchi revient sur sa volonté de mettre en scène Dans un recoin de ce monde :
"Mon intention était de montrer du mieux que je pouvais dans un film de cinéma, les adorables qualités qui rendent Suzu irrésistible, le destin qui la mène « dans un recoin de ce monde » et le temps très précieux qu’elle passe là. Dans mes oeuvres animées, je souhaite reproduire le plus fidèlement possible les scènes du quotidien dans tous leurs aspects. Pour ce film, la trame de fond étant la guerre, ce qui ressort est cette volonté de vivre de façon imperturbable. La vie quotidienne est mise en avant. On admire avec un amour profond cette façon de célébrer le quotidien. C’est une oeuvre pour laquelle je me devais de relever le défi.
Tous les jours, je me dis que notre métier ne consiste pas seulement à produire des images, mais surtout à offrir un film complet qui raisonne dans le coeur des spectateurs. Mon objectif est de faire ressentir aux spectateurs ce qui se passe en dehors du cadre de la caméra. La poursuite du réalisme dans mes films n’est pas limitée au monde réel. Au contraire, mon but est de faire croire que ce monde imaginaire existe et que tout ce qui l’entoure est vrai."
Après avoir étudié les textes et archives, Sunao Katabuchi s’est rendu sur place pour observer les lieux, dans l’optique de retranscrire fidèlement la réalité. Le quartier de Nakajima Honmachi à Hiroshima, que l’on voit au début du film, a nécessité énormément de temps. Le lieu ayant été proche des bombardements, il est aujourd’hui classé comme lieu de mémoire de guerre. C’est là que se trouve le bâtiment Rest House de Hiroshima, un des rescapés de la bombe atomique. En 1933, c’était une boutique de vêtements, Taishôya. Pour dessiner ce bâtiment de face avec son entrée principale, il fallait dessiner la boutique voisine qui vendait du tissu en coton, Ootsuya. Hélas, il n’existe aucune photo de la boutique en question. Le réalisateur a demandé l’aide des habitants de Hiroshima.
Il a rencontré et discuté avec les gens qui habitaient sur place à cette époque. Il a recueilli de précieuses informations, telles que les matériaux de construction, la couleur ou encore la sensation des rambardes en métal au touché. Grâce à ces souvenirs, M. Katabuchi a dessiné un nombre incalculable de fois ce à quoi pouvait ressembler la boutique, afin de présenter le quartier Nakajima Honmachi tel qu’il est dans les mémoires. Dans le film, la rue est très animée et parmi la foule, certains personnages sont inspirés des souvenirs collectés auprès des gens rencontrés sur place.
Le producteur Tarô Maki et sa société Genco ont pris les commandes du projet. M. Maki a choisi la méthode du financement participatif, une méthode qui l’interessait depuis longtemps. Afin de pouvoir d’abord produire un pilote, il fallait récolter par ce biais 20 millions de yens (environ 150 000 €). La campagne a débuté le 9 mars 2015. Les 20 millions ont été atteints en 8 jours. Fin mai, à la clôture de la campagne, le budget total atteint était de 39 121 920 yens (environ 300 000 €). C’était à l’époque, le record de participation et de somme atteint au Japon, pour un projet de financement participatif de film. C'était d'ailleurs le premier crowdfunding pour un film d'animation au Pays du Soleil Levant.
La mangaka Fumiyo Kono évoque l'adaptation de son oeuvre sur grand écran :
"Je sais qu’il est parfois difficile de parler de la guerre, mais je pense qu’il faut que le plus de monde possible puisse traiter du sujet. Selon les personnes, le point de vue est différent, ce qui permet une grande variété de récits. J’espère d’ailleurs que le film apporte un point de vue légèrement différent. La différence entre le manga et le cinéma, est qu’on lit un manga seul, alors qu’au cinéma, on regarde un film avec d’autres spectateurs. Cela donne également un sujet de discussion. Je serais ravie que vous veniez nombreux, toutes générations confondues."