Portrait à charge d'un homme de l'ombre, ce "Vice" ne décerne pas à D.Cheney un prix de vertu, c'est le moins qu'on puisse dire, pas plus qu'à sa femme et à sa bande de va-t-en guerre, qu'on a pu traiter de faucons. Analyse implacable d'une démocratie parlementaire complexe où le libéralisme triomphant apparaît comme une menace pour l'humanité, le film nous assène une masse d'infos sur le fonctionnement des arcanes du pouvoir aux USA qu'on peine à garder en mémoire, tant elle est foisonnante. Accroché par le portrait psychologique sans concession mais très ambivalent de Cheney, pour ma part je me dépêchais malheureusement d'oublier ces infos, à mesure que je les comprenais. Qu'importe, toute cette tambouille reste néanmoins un éclairage très formateur, même s'il est pour le moins flippant. Voilà qui ne risque pas de me rendre fan des yankees républicains !... Dans ce panier de crabes, toute la distribution campe avec justesse une belle brochette de crustacés où C.Bale est impressionnant : il campe un looser intuitif qui flaire avec génie les vents favorables, se prend au jeu du pouvoir sans sortir du bois, sait faire feu de tout ce bois qui le cache et ne rechigne pas à s'appuyer sur sa redoutable compagne. Cherchez la femme et méfiez vous-en, car si elle fut l'avenir de cet homme, elle n'est surement pas celui de l'humanité ! Au sommet de leur ascension sociale, la scène de lit dans laquelle le couple se déclame du Shakespeare vaut son pesant de cacahuètes... Colin Farell en D.Rumsfeld, monstre de cynisme et de vulgarité assumée, fait bien froid dans le dos lui aussi, bref toute la distribution est à l'unisson pour nous jouer au petit poil une sacrée partition. Le montage alterne des séquences pédagogiques, typées docu-fiction, avec des scènes purement fictionnelles, façon biopic tragi-comique. Le scénario, brillant, foisonne en trouvailles, clins-d'oeils au spectateur dont la fausse fin au premier tiers du film n'est pas le moins réussi. Tout ça nous donne l'impression de regarder par le trou de la serrure chez les grands d'un monde pourri jusqu'à l'os, et c'est sans doute pourquoi ce biopic réussi génère un profond malaise. On en rirait moins jaune si le décompte chiffré des victimes civiles et militaires du conflit en Irak n'était pas là, juste avant le générique de fin, pour asséner un dernier constat, glaçant : les réelles conséquences mondiales de l'égocentrisme élitaire américain relèvent du registre des crimes contre l'humanité !... L'enjeu d'un film tel que "Vice" est de taille dans une démocratie qui tient tant de place dans le monde : la liberté d'expression permet à des trublions comme Mc Kay de donner libre cours à leur verve satirique, le ver est dans le fruit et ma foi c'est utile d'être informé. Car un homme averti en vaut deux, surtout quand il peut ou croit pouvoir changer le monde en votant. Mais les électeurs vont-ils encore se... "trumper" longtemps ?.