Tout le monde connaît maintenant le fameux Frank Underwood, personnage culte des séries House of Cards, tant la version originale britannique que la reprise américaine sur Netflix avec le paria Kevin Spacey. Devant Vice, le nouveau film d'Adam McKay à qui on doit entre autre The Big Short, on se rend compte que Dick Cheney est totalement compatible avec la série. Sauf que lui existe vraiment. Sauf que lui agit vraiment. Et ça fait peur.
Personnage de l'ombre, assez mystérieux, son pouvoir est inversement proportionnel avec sa notoriété. Il est assez impressionnant de constater à quel point le pouvoir peut autant converger vers une personne qui ne semble avoir aucun mérité, aucune aspérité, et surtout aucune conviction. Christian Bale livre un Cheney sans aucune pitié, qui devient de plus en plus froid au fur et à mesure qu'il gravit les marches du pouvoir. Même la limite qu'il s'est posé un temp ne résistera pas à l'épreuve du temps.
Et le temps est une notion assez relative dans ce film construit au travers de flash back et de bonds en avant. Jamais linéaire dans la temporalité, il demeure pourtant fluide. Une fois de plus très meta, le média s'adressant à plusieurs reprises directement au spectateur dans des interventions assez hilarantes. Mentionnons ici la fausse fin qui intervient rapidement mais qui ne laisse aucun doute sur sa nature, ou simplement le texte introductif.
La chose la plus triste, c'est qu'on voit cet homme commettre des horreurs mais on ne perçoit pas ses motivations. Dans une scène particulièrement drôle, on découvre qu'il n'a pas de conviction. Et plus le temps passe, moins il en a. Il ne court pas non plus après le pouvoir, son ambition étant davantage de plaire à sa femme qu'autre chose. Il ne semble pas non plus courir après l'argent, ne manquant de rien et n'ayant pas le goût du luxe. Non, l'idée, c'est qu'il croit sincèrement faire le bien. Mais ce sont là les personnes les plus dangereuses. Celles qui pensent faire le bien tout en agissant mal. Tout en n'ayant pas conscience de faire mal. Ces personnages qui n'ont aucune limite pour atteindre leur but tant elles sont convaincues de bien agir. Et il ne pouvait pas y avoir pire individu pour gérer la crise du 11 septembre 2001.
En se penchant sur Cheney, le réalisateur dresse aussi un creux un portrait d'aujourd'hui. Ne cachant pas ses convictions, il se moque gentiment du camp républicain et parvient subtilement à s'adresser à Trump. Mais plus que cela, il ridiculise constamment le président Bush fils. Dénonce les travers de Nixon, montre Reagan en inspiration actuelle du Make America Great Again. En revanche, l'arrivée d'Obama en 2009 semble être une chose salvatrice. Mais le propos du film aurait gagné à être un peu plus nuancé. Mais l'école du Saturday Night Live n'enseigne pas forcément cela.
Toutefois, Vice est un film plaisant pour qui s'intéresse un peu à la politique. Pour qui est curieux aussi. Mais la curiosité ne sera pas satisfaite tant Cheney est une homme vide, tant il apparaît sans émotion, quelles que soient les circonstances.
La réalisation est très correcte, et tant à montrer une crise cardiaque de différentes manières. Elle montre également des parties de pêche qui en révèlent plus sur le protagoniste que certains dialogues. Enfin, le casting est vraiment excellent avec Steve Carell excellent en Rumsfeld, une fantastique Amy Adams en Lyne Cheney, et enfin un Sam Rockwell plus vrai que nature en George W Bush. Et aussi, mention spéciale à Naomi Watts qui est non créditée mais qui joue le rôle d'une journaliste conservatrice. Petite référence subtile à son rôle dans Fair Game où elle jouait Valerie Plame, agent de la CIA honteusement dénoncée à la presse par Cheney parce qu'elle gênait. Evidemment, cet événement est relaté dans le film. Il dit à lui seul ce qu'il faut savoir sur Dick Cheney. Vice comme vice président mais aussi de manière autonome.