Mois de 90 minutes pour ce film dont l’intrigue se déroule seulement sur quelques jours, comme son tournage, « Mon Garçon » est un film très ramassé et d’une intensité de chaque instant. On est dedans avant même la première image, juste avec le premier son (le message affolé de Marie) et quasiment jusqu’à la dernière image ou presque. Christian Carion a choisi de camper son intrigue dans les Alpes en plein hiver, comme pour accentuer encore le côté « sauvage » de l’histoire de ce père qui décide de chercher son fils lui-même, sans arme (on n’est pas aux USA et les pères de famille, en France, n’ont pas un revolver chez eux !), et en suivant son intuition, quitte à commettre de terribles (voire fatales ?) méprises. Le tournage du film était très dépendant de l’attitude de son acteur principal et pourtant, à l’écran, on n’a pas l’impression d’un long métrage « improvisé ». C’est plutôt bien réalisé, les plans sont soignés, la photographie aussi et Carion intègre ses décors à son histoire de façon assez intelligente. Il a quelques idées de réalisation toutes simples mais efficaces : le visage de Canet uniquement éclairé par le feu de signalisation par exemple, ou la voix prémonitoire du GPS qui ordonne de « faire demi-tour ». C’est tout bête, mais parfois les effets tout simples peuvent s’avérer les plus pertinents. Des flash back très courts, sous forme de films amateurs, viennent s’intercaler dans le récit, on sent vite qu’ils ont leur importance mais on ne devine pas d’emblée laquelle. La musique ne parasite pas les scènes les plus intenses, elle est utilisée intelligemment en plus d’être plutôt agréable à l’oreille. Christian Carion a choisi de tourner vite un film court, du coup on en peut pas dire que son long-métrage « fasse du gras », c’est sec, ça va droit au but (un peu trop vite peut-être, on en reparlera), c’est sans le moindre chichi et au final, cela donne un moment de cinéma très efficace et qui ne nous laisse pas beaucoup de répit pour souffler dans notre fauteuil de cinéma. Le film passe très vite et c’est toujours un bon signe. Guillaume Canet est de toutes les scènes, de tous les plans et sa performance n’est pas facile à qualifier. Il ne joue pas son rôle, il le vit et cela se sent à l’écran, quoi qu’on en dise. J’aime bien Canet depuis fort longtemps et je sais qu’il peut donner une vraie profondeur à ce qu’il interprète, et qu’il peut même laisser une certaine violence affleurer dans certains rôles. Là, dans « Mon Garçon », par moment il m’a presque fait peur tant il semble sur le point de basculer. Je ne sais pas si on peut qualifier sa performance d’acteur de « performance », justement, vu qu’il joue à peine à faire l’acteur ! En tous cas il est crédible et assez formidable de présence (et de charisme) de bout en bout. Autour de lui, Mélanie Laurent n’est pas aussi convaincante que je l’aurais espéré, dans sa scène cruciale, elle, pour le coup, me donne vraiment l’impression d’être une actrice et une non une mère désespérée. Et puis il y a Olivier de Benoits, dont le rôle du beau-père est bref mais si le but ce cet acteur était d’incarner un type qui met vraiment très mal à l’aise, alors il a tapé dans le mille ! Quant à l’intrigue en elle-même, impossible d’en dire beaucoup sans la déflorer. Le film a été tourné sans scénario mais juste avec une sorte de « colonne vertébrale », alors accorder une note à un scénario qui n’existe pas vraiment n’aurait pas beaucoup de sens. On peut quand même dire deux-trois choses sans rien dévoiler. D’abord que le sujet des disparitions d’enfants est un sujet ô combien douloureux (et malheureusement souvent d’actualité), ô combien concernant pour tout le monde mais aussi ô combien éculé ! Nombre de films traite de ce sujet et de la quête un peu désespérée d’un parent (souvent d’un père d’ailleurs, comme si les mères étaient trop éplorées pour entreprendre quoi que ce soit !), dans ma mémoire récente deux très bons films « Prisoners » de Denis Villeneuve et surtout « Captives » d’Atom Agoyan dont « Mon Garçon » est assez proche à bien des points de vue. Le principal problème de « Mon Garçon » est néanmoins ailleurs, c’est sa crédibilité dont on pourrait discuter longtemps :
Julien trouve vite, et sans trop de difficulté la bonne piste, et cela va l’amener à mettre son nez dans une histoire plus « sophistiquée » qu’on ne l’aurait imaginé. Du coup, on s’interroge sur l’efficacité de la gendarmerie du coin !
Et le « scénario » laisse en suspens un nombre important de points cruciaux dont on ne saura finalement rien. A force de vouloir faire un film ultra dense, sec comme un coup de poing, Christian Carion aura sacrifié un peu de subtilité, et pas mal de crédibilité à l’exercice. C’était peut-être le prix à payer pour faire un film de façon différente, pour s’adonner à une « expérience cinématographique ».