Il faut parfois apprendre à accepter de vieillir et de mûrir, sans oublier ce qui nous lie à notre enfance. Ce dilemme entre les responsabilité et l’imaginaire qu’on s’est construit et qui nous a gorgé est un débat qui court encore dans les rues et après le temps. Bien qu’il ait dernièrement signé un « World War Z » assez constructif, à défaut de gagner en efficacité, Marc Forster retourne en arrière et exploite un registre qu’il a déjà développé auparavant dans « Neverland ». Alors que les studios Disney sont sur des projets d’adaptation de ses propres films d’animation en live, on serait en droit de nous demander si l’utilité, le cœur et le désir du public y est toujours. Les desseins sont d’ordres nostalgiques et sur ce point, nous pouvons reconnaître l’effort, mais ces récits doivent à présent s’ancrer dans l’univers contemporain dans lequel nous vivons.
La construction du récit reprend ainsi une base simple, celle d’un homme qui a oublié son enfance. On nous connecte à un monde parfois cru, où la dure et triste réalité ont réécrit les priorités de Jean-Christophe (Ewan McGregor), dorénavant marié à la charmante Evelyn (Hayley Atwell). Ensemble, la partie platonique nous est introduite d’entrée afin de poser les enjeux sur lesquels leur fille Madeleine (Bronte Carmichael), devra trancher, faute d’instabilité dans les repères du chef de famille. Et pour retrouver ses droits, qu’on estimera égarés dans son passé, ce sera à l’aide de ses amis de la forêt qu’il saura retrouver la pureté et la bonté. Mais avant, il devra surmonter le peu de noirceur qui enveloppe le sujet du récit, qui l’emmènera dans un environnement saint. Cependant, la rigueur de l’écriture n’est pas toujours bien mise en scène et on ne sait pas toujours où l’intrigue veut nous emmener. Dans le cadre du féerique, cela aurait peu d’importance, mais rattacher cet univers au nôtre peut avoir des conséquences sur les niveaux de lecture.
Cela ne nous empêchera pas pour autant d’apprécier la folle aventure de Jean-Christophe qui batifolera de nouveau avec le précieux Winnie et toute sa troupe. Tous répondent présent, avec un réalisme à nous en faire frémir et ce n’est pas forcément un bon point. Cela dit, Tigrou, Bourriquet, Maître Hibou, Porcinet et Coco Lapin feront office de jeux de gags liés à l’innocence de l’enfant, car eux n’ont jamais communiqué avec le monde des hommes à proprement parler. Ce sont face à des peluches fatiguées que l’on partage le mélodrame qui convient au metteur en scène. Ils perdent en couleur et en dynamisme, notamment lié à cette solitude où l’on insiste grossièrement. De plus, le traumatisme de Jean-Christophe dans l’après-guerre a permis de construire son personnage, rongé par l’effort avant le confort. Mais le confort est absent avant le dénouement qui rompt directement avec la cohérence du récit. Sous l’œil optimiste et la perception de la joie, donner pour recevoir plus est une morale acceptable pour ce voyage qui n’a pas besoin de ticket pour le retour.
Déjà quarante ans après « Les Aventures de Winnie l'ourson », où un jeune garçon fit la rencontre des plus touchantes et où il put s’évader de sa réalité qui ne lui apportait pas l’élan nécessaire à son envol, « Jean-Christophe & Winnie » est donc ce Disney que l’on n'attend pas du tout, mais qui rafraichit par sa simplicité. Ce film est de ceux qui n’éprouvent pas le besoin de copier-coller les mêmes scènes et d’apporter les mêmes chansons qui ont bercé les enfances de tant d’adultes aujourd’hui. Ce film propose quelque chose de profond et d’honorable, ne pas oublier d’où on vient et les valeurs de la famille. Cette générosité et cette bienveillance sauront parler aux petits comme aux grands, qui n’ont pas fini de rêver.