Autres temps, mêmes mœurs. Si gore a souvent été dévalué au même niveau que la pornographie, faute d’ambition artistique et son penchant irrévérencieux pour l’exhibition à outrance, il est nécessaire de redéfinir les charges qui pèsent contre cet appel du sang. Damien Leone a autant révisé son John Carpenter que son Wes Craven (All Hallows' Eve), tout en baignant dans le jus du style Grindhouse pour en arriver à cette nouvelle tuerie, qui marquera les esprits. En 2008, « The 9th Circle » a lancé toute la machine viscérale que le cinéaste maîtrise au mieux aujourd’hui. Il prolonge alors les vertus de son court-métrage, au folklore halloweenesque des occidentaux et leur passion pour un jeu de slasher, qui n’a pas de quoi déstabiliser l’adepte du genre. Muni d’un lamentable budget de série Z, on se surprend alors à basculer dans la jouissance du B, accompagnée d’une générosité à ravir les amateurs d’organes internes, fraîchement examinés.
La réussite d’un projet aussi banal, mais terriblement efficace, tient d’abord dans sa retenue, une souplesse nécessaire afin de mieux profiter de la boucherie à venir. Tout est une affaire d’apparence et une scène d’ouverture dévoile l’interview d’une femme, défigurée par un agresseur sadique. Soutenir son regard sera l’ultime épreuve d’une animatrice, soucieuse de son esthétique à l’écran. C’est alors que Art le Clown fait son entrée, interrompant le programme une peu trop bavard pour un autre dont il sera le seul architecte. David Howard Thornton lui prête ainsi ses traits, revêtant une peinture de guerre et faisant l’inventaire de ses instruments rudimentaires, prêts à l’emploi pour une veille de Toussaint qui en a vu d’autres. Le théâtre des horreurs ouvre néanmoins de nouvelles portes, introduisant ce nouveau monstre de cinéma, sorte de prolongement du mime Marceau, du Captain Spaulding et de leurs compères.
Nul besoin de nez rouge, on préfère un long menton et un sourire pointu pour rattacher sa cruauté à celle d’une sorcière, sorties des tréfonds de l’enfer. Pas de bol pour la bimbo blonde écervelé qu’est Dawn (Catherine Corcoran) et son amie, Tara (Jenna Kanell), un peu plus rationnel sur les bords. Leur virée nocturne tourne court après avoir croisé la route d’un clown inquiétant, qui ne dégagera pas un souffle sonore pour les terroriser, car il se délecte de l’agonie de ses cibles, qu’il aura vient fait de trancher leurs tendons. Son immobilité joue en la faveur d’une mise en scène qui privilégie la montée en tension et les coups de pression à nous voler des rires gênés. Mais lorsque vient le temps d’une gestuelle trompeuse, moqueuse et sournoise, le spectacle prend vie, ou plutôt prend des vies. Un immeuble crasseux sert autant de repères que de terrain de jeu à la créature, qui tient davantage d’une invocation démoniaque que d’un simple ouvrier du divertissement, qui fait profiter ses victimes des cascades qu’il a longtemps encaissées en silence.
On s’y perd dans un dédale cauchemardesque, où l’on ne montrera que des impasses, autant pour ceux qui viennent de l’intérieur que de l’extérieur. Le sadisme est donc à l’œuvre, à l’abri des regards et de toute lumière salvatrice. Le décor piège les personnages et les spectateurs dans un cirque qui gagne tout à esquiver les effets numériques au possible. La grande force de « Terrifier » se situe dans cette générosité, à faire exploser le compteur de morts originaux, mais également à iconiser son boogeyman, dont on aura de cesse de vouloir sonder son esprit machiavélique, en vain. Il s’agit d’un besoin d’impressionner son audience, venue voir un clown jouer avec ses outils rouillés, voire de chair, et ses mimiques carnavalesques prononcées et Leone le sait, il s’empare de ce cadre horrifique. Art reviendra malgré tout et fait à présent face à de suites qui devront continuer à préserver la notoriété du tueur et surtout de sa menace, aubaine d’un genre qui a tendance à finir sur les rayons numériques.