Un film remarquablement intéressant, qui nous rappelle les grands films à thèse, prétoire et histoire, du temps où le cinéma américain était flamboyant. Las! D'après les BA, il ne filme plus que des culturistes en babygros occupés à écraser un tank d'une seule main.
Malheureusement, Marco Kreuzpainter n'est pas Sydney Lumet et son film est entaché de pas mal de facilités et d'incohérences, censées peut être le rendre plus commercial, plus grand public; il y a en particulier une histoire sentimentale dont on se serait bien passée... Mais ça nous donne envie de lire le livre de Ferdinand von Schirach, dont il est tiré.
Le jeune avocat d'origine turque Caspar Leinen (Elyas M'Barek) se trouve commis d'office pour une première très grosse affaire. Jean-Baptiste Meyer (Manfred Zapatka), gros industriel, est assassiné sauvagement (après sa mort, son visage est démoli à coups de pied) par un italien anonyme, qui attend qu'on l'arrête, et ne dit rien, absolument rien. Mutique, absent, il refuse la cigarette, le verre d'eau que son avocat lui propose. C'est un roc, un bloc d'absence. Franco Nero est impressionnant dans le rôle de Fabrizio Collini.
Où ça se complique pour Caspar.... c'est que Meyer, c'est l'homme qui l'a aidé dans son enfance, lui le petit immigré dont la mère faisait des ménages, et dont le père avait disparu; il l'a accueilli chez lui, avec son propre petit fils, lui a permis de faire ses études de droit... Alors, défendre son assassin.... Quand je vous parlais d'incohérences! dans la vraie vie, ce lien révélé lui aurait aussitôt valu d'être déchargé de l'affaire.
Pourquoi? Peut être quelqu'un le sait il. Le brillantissime professeur de droit Heiner Lauterbach (Richard Mattinger) qui représente la fille de Meyer, Johanna (Alexandra Maria Lara)
Alors, il va falloir remonter dans le passé pour trouver le lien, et c'est là que le film est passionnant puisqu'il nous fait découvrir la loi Dreher, dont je n'avais jamais entendu parler. Conçue par un ancien procureur nazi, revenu tout benoitement aux affaires, promulguée en douceur en octobre 1968, elle permettait de requalifier de meurtres, et non plus d'assassinats, les crimes commis contre les civils en temps de guerre -donc d'être prescrits au bout de 20 ans.... Un certain nombre d'officiers de la Wehrmacht et de SS se sont alors dit: ouf! ça y est! on peut dormir tranquilles!
La fin du film, outre le fait d'être instructive, est très belle et très émouvante. C'est à voir absolument pour tous ceux qui aiment l'histoire, qui se passionnent pour la justice. Pour moi il reste une question en suspens: peut on être à la fois un salopard et un bon type? Autrement dit, en temps de guerre, portés par la propagande, endoctrinés, enivrés par le climat de haine, certains ont ils pu commettre des horreurs dont jamais, dans une période normale, ils n'auraient été capables??