Nous aurions beau s’exclamer devant la réalisatrice Nisha Ganatra, mais ce sera bien auprès de Mindy Kaling que nous aurons des comptes à rendre. Son implication dans ce projet à la fois réaliste et autobiographique positionne son scénario comme une fresque féministe, qui ne s’appuie pas forcément sur la nuance pour convaincre son audience. Elle préfère s’aventurer sur la voie de l’honnêteté, de son point de vue et quelque part entre naïveté et rationalité. Elle met en avant le changement chez l’être humain, qu’il soit rempli de défauts ou non. Cependant, on prend la peine de préciser, maladroitement parfois, en quoi le genre masculin peut être un fléau pour une femme, seule dans un milieu qu’elle appréhende encore. C’est dans celui du Late Show, qui pèse énormément sur la conscience des Américains, qu’on viendra demander l’émancipation et la cohésion.
Exit Fallon, Colbert, Kimmel ou encore Corden, pour ne citer qu’eux. Place à Katherine Newbury interprétée par une Emma Thompson flamboyante et qui ne manque pas de cynisme afin de rendre son personnage encore plus torturé. Elle inspire la confiance, mais également la solitude, choses qui sont prises au sérieux dans ce récit. Il s’agit d’un poste à rotation, une fois le cycle du succès touchant à sa fin. La carrière de Katherine prend un certain virage, prévisible et transparent, lorsqu’elle finit par croiser une nouvelle et unique rédactrice féminine Molly Patel. Nous pourrions croire que la scénariste se met en scène afin de bien appuyer les injustices faites aux femmes dans un milieu très machos, mais le fil rouge de l’intrigue se situe bien dans la relation complémentaire entre ces deux femmes. Deux générations, deux cultures différentes, deux styles, mais même combat, elles vont se révéler aux yeux de leur entourage, car c’est bien eux le premier public à convaincre.
Il faudra tout de même passer par des modalités plutôt divertissantes, mais qui servent essentiellement les sous-intrigues. Ce sont des témoignages en faveur des femmes qui subissent la cruauté des hommes. Ce n’est pas forcément violent, mais même verbalement, c’est l’âme qui est touchée. Et bien qu’on sombre aisément dans la misogynie, on en retient l’aspect mordant de la chose, comme le coup de fouet qui fait prendre conscience que les sujets d’inégalité et de persécution sont toujours d’actualité. Mais le discours passe avec humour, comme outil de réconciliation ou bien de retour à l’envoyeur. Tout n’est pas rose pour autant et Katherine est dans la ligne de mire du support télévisuel. Nuancée et forte, elle se démarque dans la comédie et dans cette fable du sexisme ou de la discrimination positive. Et c’est peut-être bien là la faiblesse du show, la comédie politiquement correcte. À force de s’éparpiller dans les sous-intrigues, on en vient à oublier que les romances n’apportent rien de vraiment intéressant. Cela rappelle juste qu’il y a une ambiguïté d’ordre privé.
Le grand témoignage de Kaling sur la série « The Office » touche des voix, mais ne proposera pas d’audace dans la finition. Sans être moralisateur, « Late Night » inscrit une certaine fierté à vouloir révéler des relations toxiques entre hommes et femmes. Cependant, le côté gentillet de la chose ne gratte pas les bonnes cordes au bon moment. On préfère en rire par facilité, mais il y a une justesse qui ne régale pas la foule, qui attendait certainement une patte plus accentuée dans le scénario, plat et loin d’être décisif. Les rares moments de mise en scène de Ganatra ne rattrapent pas non plus l’élan de condescendance qu’on aurait aimé voir flirter avec plus de provocation, c’est dommage.