Soul est le dernier-né des studios Disney Pixar en cette année cinéma mouvementée, sous la houlette de Pete Docter, soit un nom qui fait déjà frémir d'impatience les amateurs du travail du Doc' (réalisateur de Vice-Versa, Là-haut et Monstres et Cie, et scénariste de Wall-E et des deux premiers Toy Story, "rien que ça"). Nous suivons donc Joe Gardner, un professeur de musique qui rêve de jazzer avec Dorothea Williams, qui, à la suite d'une chute mortelle et d'un passage dans le "Grand Avant" (le monde dans lequel se construisent les âmes), doit aider une âme récalcitrante ("22") à trouver le moyen d'exister sur Terre. Soit un postulat qui nous intéressait sur le papier. Alors, diagnostic, Doc ? On peut le dire franchement : de toutes ses œuvres, Soul est celle qui nous enchante le moins. Sans être un film honteux dans sa filmographie, il ne brille pas autant que prévu, la faute à un scénario maladroit de la première à la dernière minute. Visuellement, on reste bluffé par la qualité de l'animation (fluide, coloré...), amusé par les design particuliers des "Michel" (les gardiens du Grand Avant) qui sont un joyeux mélange entre la Linea et une œuvre de Miro (peut-être la meilleure trouvaille du film), mais aussi complètement désabusé par le design improbable qui enlaidit chaque personnage humain. Les proportions sont exagérées au centuple (regardez seulement le coiffeur...) et ne fonctionnent pas ensemble, même le personnage principal Joe Gardner avec sa tête en forme de losange aux yeux minuscules n'est pas très agréable à regarder. Si l'on se penche à présent sur le fond plutôt que sur la forme, on tombe vite des nues (comme nos personnages). Manque d'humour, de magie (charme) et d'émotions (ça n'est pas la fin tire-larmes facile et utlra-prévisible qui nous satisfera...) et on regrette cruellement le manque (oui, encore) de cohérence dans ce "mode d'emploi de l'Après" qui enchaîne les facilités (il suffit de faire une réunion de musicos pour redonner vie à une âme perdue, on nous explique un système de badges par passions à trouver, et puis non c'était
simplement un badge "âme prête"
dont on n'explique alors pas très exhaustivement le fonctionnement de l'obtention de ce visa - comme si on n'y avait pas vraiment réfléchi, donc on fait l'impasse dessus -, on délaisse vite ces mondes d'Avant et Après au profit d'un bon vieux schéma narratif "échange de corps pour faire rire" qu'on a vu cinquante fois au cinéma...). On notera aussi le charisme immédiatement oubliable de ce Joe Gardner, que même les cinq minutes du coiffeur éclipse en terme de profondeur (son histoire et son sacrifice nous intéressent mille fois plus), la morale "Carpe Diem" qui est certes bien jolie mais que le film semble ne pas assumer lui-même comme en témoigne sa dernière pirouette narrative qui nous fait perdre les yeux (Quel beau sacrifice, plein d'intelligence et puissance...
Ah. En fait, non.
), également contré par le "simple" gag des Michel qui collent une étiquette de caractère qui dirigera chaque âme fraîchement "née" (donc oubliez le libre arbitre, l'expérience et les choix de vie... C'est toujours "carpe diem", la morale ?). Et oubliez la musique, on a droit à une unique petite séquence de jazz au montage catastrophique (des mini-scènes enchaînées très vite, pour être bien sûr de ne pas profiter d'une belle écoute), et cela n'est pas la bande-son transparente qui ramènera la soul (la musique) dans la partie. Aussi, pour les audiophiles, on vous conseillera largement la VO, n'en déplaise au sympathique "22" de Camille Cottin, car le doublage d'Omar Sy ne nous fait voir que la star derrière le personnage (impossible de ne pas voir Sy avec un micro à l'enregistrement en studio). Enfin, si l'on reprend la morale qui nous dit de nous méfier des rêves trop grands qui nous empêchent de profiter de la vie, on repense à une certaine princesse Raiponce qui nous a remplie la tête avec sa chanson "J'ai un rêve" (qui justement défend le fait d'avoir des "rêves trop grands" pour embellir la vie), choisissez qui vous voulez écouter à pile ou face. Vraiment, on retient l'animation comme toujours de luxe des studios Disney Pixar, le passage chez le coiffeur qui nous passionne plus que le reste de la narration, et les Michel qui sont absolument géniaux. Autrement, Soul se débat avec un scénario plein de fausses notes, et finit par manquer à ses deux définitions : l'âme et la musique.