La suite des Trolls se heurte à deux écueils majeurs qui l’empêchent de renouveler ou même de recouvrer l’originalité et la fraîcheur du premier opus. Le premier problème tient à la représentation des différents genres musicaux dont la caricature, évidente ici, se charge d’une confusion parfois grossière : le long métrage ne semble pas distinguer le rock du métal, fondant dans un même moule tout ce qui peut crier et jouer de la guitare électrique ; de même, la country music est uniquement définie par un thème, la « chanson triste » qui démoralise les personnages. Qu’il s’agisse là de portraits parodiques, d’accord ; mais le propre de la parodie, et la condition de sa réussite, consistent à railler un modèle en adoptant ses traits jusqu’à l’excès. Rien de tel ici, sinon une impression de country, une impression de rock, qui échouent à dire quelque chose de leur modèle et de la place qu’ils occupent aujourd’hui dans l’environnement culturel et musical international. Sur ce point, nous condamnons également le regard porté sur le rock/métal, caractérisé par sa méchanceté et la menace épidémique qu’il représente pour les autres genres, alors même que s’il fallait trouver un genre susceptible d’occuper ce rôle, il s’agirait de la pop music, omniprésente, véritable mode de consommation actuelle. Règne donc dans le film une hypocrisie à peine cachée, qui pointe du doigt un mal qui n’en est pas un pour mieux rallier à sa musique un public gavé aux couleurs vives et sucrées. Le second problème inhérent au long métrage de Walt Dohrn, c’est la cécité avec laquelle il aborde la musique vis-à-vis de l’histoire et de la mémoire. Cette thématique, fondamentale, n’est évoquée qu’à demi-mots à la toute fin, pour mieux être balayée d’un revers de main. La réunion des couleurs chante ainsi qu’il faut « oublier le passé », alors que la musique, indiquent les personnages quelques secondes auparavant, doit conserver l’unicité de l’être et de la culture à laquelle il se rattache. Il y a là paradoxe, sinon contresens. Car non, la country music ne se limite pas à des « chansons tristes » ; au contraire, elle entretient la mémoire d’un âge indissociable de l’Histoire américaine et de ceux qui l’ont faite, de ceux qui continuent de la chanter en la regrettant et en la maintenant en vie. Si le rock est un art de la révolte, c’est parce qu’il s’est opposé et continue de s’opposer à des causes politiques et sociales qui lui semblent dangereuses. La pop music, face à eux, paraît bien terne, et ses couleurs vives, agressives, outrancières, divulguent mal son artificialité, voire son incapacité à porter une mémoire quelconque. Ses paroles sont bêtes et creuses, ses discours – à l’instar de la clausule moralisatrice du film – naïfs, ses sonorités gonflées et virtuelles. Trolls 2 est certes une réussite visuelle, offrant un beau spectacle inspiré. Mais la propagande pop qu’il mène en sous-texte, axée sur la banalisation voire la stigmatisation des genres musicaux qui lui sont autres, ne doit pas être prise à la légère. Eh, c’est pour les enfants, t’inquiète ! Là, problème. La plus belle éducation musicale à offrir aux plus jeunes est celle de l’hétéroclite et de la contextualisation des genres ; et ce qui est sûr, c’est qu’elle ne se trouve pas dans Les Trolls 2.