Au fin fond de l’Amérique Centrale, une compagnie pétrolière propose une forte somme d’argent à quiconque acceptera de conduire deux camions bourrés de nitroglycérine sur des pistes sinueuses et escarpées pour éteindre un incendie sur un puits de pétrole. Le trajet sera loin d’être de tout repos…
Henri-Georges Clouzot adapte ici le roman éponyme de Georges Arnaud et nous offre un road movie mortifère et particulièrement haletant. D’entrée de jeu, le film déroute, dans sa première partie, il ne s’y passe pas grand chose, la présentation des protagonistes occupe à elle seule près d’une heure de film sur les 140 minutes que compte le film.
Le cadre est posé, on se retrouve de plein fouet dans une petite bourgade perdue on ne sait où dans un pays qui ne dit pas son nom. Serait-ce le Panama, le Nicaragua ou le Salvador ? Nous n’en saurons rien (le dépaysement est total et pour cause, le tournage s’est déroulé en Camargue). La chaleur y est suffocante, l’air est sec, on est dans un univers machiste et virile où la femme est reléguée au second plan, la potiche qui récure le sol ou qui va assouvir les besoins charnels des hommes… Une représentation d’un autre temps mais qui permet de poser les bases d’un univers bien ancré dans son époque, un milieu où la rudesse ne fait pas de cadeau.
Si la première partie était d’un calme olympien, il n’en sera rien à partir du moment où les quatre hommes prennent la route chargés d’explosifs. La tension est à son comble, les routes de l’impossible se dressent devant eux, le moindre accroc et c’est la mort assuré
(le souffle de l’explosion du premier camion est d’une intensité sidérante)
, les chemins escarpés, les virages en lacet, les éboulements, le cratère de pétrole, tant d’obstacles qui se mettront en travers de leur chemin et qui ne fera qu’accentuer cette tension omniprésente.
Plus de 70 ans plus tard, Le Salaire de la peur (1953) n’a rien perdu de sa vigueur. D’une prodigieuse maîtrise de bout en bout, qui justifie à elle-seule ses nombreuses récompenses (le prix d'interprétation masculine pour Charles Vanel et le Grand Prix (l'ancêtre de la Palme d’Or) au Festival de Cannes en 1953, l'Ours d'Or au Festival de Berlin la même année, ainsi que le BAFTA du Meilleur film en 1955). A signaler enfin que ce film connaîtra pas moins de 3 remakes, avec Violent Road (1958), Le Convoi de la peur (1977) & Le Salaire de la peur (2024).
(critique rédigée en 2011, réactualisée en 2024)
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