Ce film, réalisé par Henri-Georges Clouzot, qui a d'ailleurs marqué la carrière de ce dernier, et sorti en 1953, est très bon ! Pourtant, même si l'histoire m'intéressait, je n'étais pas très enclin à le voir car je redoutais la durée du film qui est tout de même de deux heures et demie. Et cette durée, on la ressent en réalité surtout dans cette longue introduction du plus de quarante minutes ! Quarante minutes en effet durant lesquelles on nous présente les personnages et le contexte, durée qui peut sembler beaucoup trop longue pour ce qu'elle propose mais qui a en réalité une importance cruciale dans la suite des évènements mais surtout dans le sous-texte du film. On nous présente donc plusieurs immigrés, dont plusieurs français, partis en Amérique du Sud afin d'y trouver un travail. Mais les conditions de vie là-bas sont très difficiles et surtout, le pays est assez pauvre et ne propose pas assez de travail pour tout le monde. Jusqu'à ce qu'une compagnie pétrolière, dirigée par des américains, propose un travail très dangereux mais bien payé : transporter de la nitroglycérine dans des camions qui tiennent à peine debout, devant en plus rouler sur une route très escarpée. On suivra alors quatre personnages dans cette aventure, deux par camion, aventure intense qui laisse en plus un sentiment de malaise. En effet, on ressent toute la souffrance de cette bourgade d'Amérique centrale qui rêvait d'une vie meilleure mais qui doit se contenter de ce qu'elle a. Ensuite, le côté dérangeant passe par les nombreux choix que doivent faire les personnages, et je pense notamment à cette scène dans le pétrole qui est particulièrement marquante, notamment dû à sa manière crue de montrer les évènements. De plus, le film nous tient littéralement en haleine du début (enfin du moins après la scène d’introduction) à la fin, puisque chaque manœuvre, chaque nid-de-poule et chaque obstacle représente un danger qui peut survenir à n'importe quel moment. De plus, on ressent également cette chaleur étouffante que vivent les personnages, encore une fois très bien rendue à l'écran grâce à la mise en scène de Clouzot. Et enfin, nous avons également le sous-texte, tellement présent qu'on ne peut pas le mentionner ni passer à côté, qui est la relation pratiquement homosexuelle entre les personnages. En plus de cette virilité tellement exacerbée qu'elle en devient suspecte, le film construit un espèce de triangle amoureux entre Mario, Jo et Luigi, ce pourquoi la scène d'introduction est si importante. En effet, lorsque Jo arrive en ville, Mario n'a littéralement d'yeux que pour lui, délaissant sa petit amie et créant même une scène de jalousie avec Luigi avec qui il partageait une chambre et qu'il a ensuite très rapidement viré de sa vie. Après cette énorme bromance entre Mario et Jo (qui me fait d'ailleurs beaucoup penser à James Dean et Marlon Brando, même si ça ne reste que des "rumeurs"), les rapports de force s'inversent, laissant place à des sortes de crises de couple et à de l'amour vache. Concernant les acteurs, nous retrouvons principalement Yves Montand, Charles Vanel, Folco Lulli et Peter van Eyck qui jouet très bien. "Le Salaire de la peur" est donc un film intéressant sur bien des aspects mais qui tient surtout son spectateur en haleine, tout en le rendant bien souvent mal à l'aise.