Le studio Laika nous a habitué à du bon (“L'Étrange Pouvoir de Norman”, “Les Boxtrolls”) et de l’excellent (“Coraline” et “Kubo et l'Armure magique”) dans l’ensemble de sa filmographie. Loin des animations de synthèse comme on nous en sort à toutes les sauces depuis un moment, Laika a eu l’audace de rester fidèle à son savoir-faire, qui se perd. Et dans cette chute, le pourtant bon réalisateur Chris Butler accompagne inévitablement son œuvre dans une routine que le spectateur ou le cinéphile a déjà assimilé. Il serait aisé de justifier la pauvreté créative du scénario, mais tout le concept repose bien évidemment sur le décor et l’animation en stop-motion. De ce fait, les effets visuels semblent avoir passé un cap et nous le ressentons à la courte, folle et plaisante introduction. Mais au-delà, le désir ne dépasse pas celui de faire rencontrer Jules Verne et Indiana Jones, bien que l’on cherche évidemment à jouer avec nos émotions. Mais comme pour Bigfoot et le Yéti, le mythe s’arrête au témoignage hasardeux.
Si les prouesses techniques ne sont absolument pas timides, à l’image de cette profondeur ou du rapport entre les objets réels et le numérique, l’aventure adopte une approche très généreuse en variant les décors. Nous sentons cette aura, en repensant au “Tour du Monde en 80 Jours” de Michael Anderson, qui pèse sur ces personnages, conditionnés dans une ascension sans surprise. On se replie finalement sur des quiproquos, basés sur la compréhension interculturelle afin de convaincre une audience qui en a vu d’autres et qui misait dans un peu plus d’excès de la part de l’animation. La retenue s’expliquerait par une restriction à un jeune public et le résultat le confirme rapidement. De ce fait, on désamorce les mythes et créatures dont les fantasmes ne finissent pas d’être suralimentés et on repart sur de nouvelles bases, de nouveaux enjeux. On relativise peu et c’est sans doute une négligence à éviter lorsque l’on ne tient pas un filon assez solide.
Le personnage de Lionel Frost s’articule autour d’une société où les mœurs font bonnes figures et c’est souvent sur l’échelle de l'aristocratie que l’on s’attarde, nous qui ne pouvons voir les choses qu’en plus grand, en admettant notre infime existence et influence sur ce qui nous entoure. Or, l’aventurier ne se détache pas suffisamment afin d’épouser cette notion et part juste à la recherche d’une entité symbolique, reliant l’Homme aux primates. Le contrepied vient alors tout gâcher dans sa dernière demi-heure qui manque de subtilité. Heureusement que Monsieur Link interagit avec une bonne sincérité pour se convaincre des bienfaits de l’œuvre, qui existent, mais qui peinent à rugir. Sa simple présence remet en cause la suprématie de l’humanité et c’est un détail qu’il ne faut pas louper dans l’humour, redondant et So British. Le fait de tourner le dos aux espèces dépourvus de vêtements ou d’éducation est sévèrement dénoncé, mais le discours peut passer outre, car l’émotion ne colle pas avec et à vrai dire, la plupart doit encore la chercher...
“Monsieur Link” fait donc appel au bon sens et à la tolérance, à l’heure où les esprits peuvent s'échauffer pour un rien. Mais le film d’animation sombre dans ses références les plus intimes et ne sait justement plus quelle direction lui donner. Des bonnes idées, il y en a où certaines sont même esquivées, alors à quoi bon se retrancher derrière cet artifice visuel ? Le film devrait nous sensibiliser face à notre ego et en y regardant de plus près, cela ne fait aucun doute que les intentions sont louables, mais il faut justement se munir d’une loupe pour trouver le salut. Reconnaissons-lui tout de même une aventure amusante et divertissante, sans quelqu’un vienne tout remettre en cause, juste pour le plaisir de s’offrir Charles Darwin sur un plateau.