Je viens de sortir du ciné. Super film - et pas seulement pour le bon moment qu'il fait passer -, plein d'élégance, de légèreté en même temps, à replacer dans son genre évidemment... Juste étonné de la critique dans Le Parisien. Cette comédie, loin d'être communautaire ou communautariste, a justement le charme de mettre en abîme et en recul l'idée d'identité, d'enracinement, sans fausse note, à la faveur de valeurs fortes comme on peut en trouver dans les rom-com années 90. L'image de la "banane" qu'incarne Rachel, jaune à l'extérieur et blanche à l'intérieur, résume bien l'ambivalence des cultures d'immigration et sert d'illustration forte à l'intention du film : non pas servir de l'exotisme pour l'exotisme, mais permettre au spectateur de suivre la protagoniste dans un voyage qui se révèle aussi être un décentrement personnel, hors des 'zones de confort'... "On ne saurait revenir sur soi sans avoir commencé par se porter ailleurs» disait François Jullien. Cette dernière qui n'est jamais allé en Asie va voir ses repères bousculés au moment de rencontrer la famille de son petit-ami, dont elle ignore la richesse et les us. "Perdue en translation" en quelque sorte, dans les traditions, la démesure et les clivages sociaux... De là, la trame se déploie tout en nuances et on ressort de la séance avec l'enchantement d'avoir profiter d'un plaisir ordinaire, d'une comédie agréable et efficace, sans que les enjeux réels que porte cette production dans l'industrie cinématographique (un casting 100% asiatique dans un contexte de whitewashing hollywoodien) ne se fasse en effet ressentir... La trame qui réaffirme son américanisme en s'ancrant dans les codes du cinéma hollywoodien - clin d'oeil à Cendrillon, robe bleue incluse - n'en nargue que mieux les préjugés, polarisée par le cadre diamétralement dépaysant et excentrique de la jet-set singapourienne. Pas de manque de rythme pour un film de 2h, pas de lourdeur comique ni d'intrigue aussi prévisible ou plate qu'on pourrait le croire non plus... J'ai juste apprécié, du début à la fin, avec une mention spéciale pour
le caméo musical avec Kina Grannis, frissonnant de sensibilité
... Crazy rich asians est au final le contraire d'un communautarisme (qui revendiquerait et voudrait partager sa spécificité) et d'une niaiserie pour ado exempte de toute finesse narrative. Une métalecture pourrait parallèlement questionner la morale cachée de
cette histoire en happy-ending ; est-elle un hymne au dépassement des carcans sociaux, culturels et matérialistes de nos sociétés
ou au contraire, de l'avis de certaines critiques presse, le reflet en arrière-fond de leurs inégalités abyssales, voire pire, l'énième produit rodé d'une usine à gros sous renouvelant ses filons façon "Yellow"... et au final toujours gagnante.