La campagne de communication du nouveau film de Jon M. Chu, notamment connu pour Mademoiselle, se centrait sur sa représentativité ethnique et culturelle. Il s’agit de la première comédie romantique hollywoodienn au casting intégralement asiatique depuis 25 ans. Le réalisateur déclara même lors d’une conférence de presse « Ce n’est pas un film, c’est un mouvement ». Cependant, les critiques pleuvent. Certains reprochent au blockbuster son cruel manque de représentativité. Alors, que penser de la comédie romantique dite la plus rentable depuis dix ans ?
De mère chinoise, l’héroïne Rachel Chu a toujours vécu aux États-Unis où elle exerce en tant que professeur d’économie. Lorsque son petit ami Nicholas Young lui propose de l’accompagner à Singapour pour assister au mariage d’un de ses proches, elle est loin de se douter de ce qui l’attend. Elle s’apprête à pénétrer dans la haute société, parmi les familles les plus riche du pays et du monde. Un décalage se fait alors sentir dans le couple : social mais avant tout, culturel. Aux Etats-Unis, Rachel n’est pas assez blanche et à Singapour, pas assez asiatique ? Comment s’intégrera-t-elle dans cette société fantasque aux codes si particuliers ?
Avant d’interroger la représentativité de ce film, force est d’avouer qu’il est distrayant. De nombreux moments tantôt émouvants, tantôt comiques émaillent cette comédie. Les trois personnages principaux, trois femmes aux fortes personnalités, portent le film qui fournit une réflexion sur le féminisme et la place des femmes en Asie.
D’autre part, Crazy Rich Asians est servi par un très bon casting, une réalisation colorée et une scénographie idyllique. Le regarder, c’est entrer dans un conte de fée éveillé. Les décors et costumes sont magiques. Vous ne manquerez pas d’être émerveillé par les magnifiques parures et accessoires de mode. Par ailleurs, la bande-son est très entraînante. On y trouve des reprises en chinois de tubes occidentaux comme Yellow de Coldplay, chanson chère à Jon M. Chu. Il a déclaré vouloir se réapproprier le mot « jaune », souvent utilisé comme une insulte pour désigner les asiatiques.
Ainsi, la distribution comme la bande-son semblent justifier que Time Magazine déclare « Crazy Rich Asians est en train de changer Hollywood ». Ce film s’oppose au white-washing souvent opéré par Hollywood ; en atteste le fait que Scarlett Johannson ai joué une japonaise dans le film Ghost in the Shell. L’oeuvre de Jon M. Chu permet ainsi aux jeunes femmes asiatiques de pouvoir enfin s’identifier à une héroïne de comédie romantique.
Cependant, cette diversité se doit d’être nuancée. Beaucoup ont reproché à Crazy Rich Asians d’être une « banane », c’est-à-dire jaune à l’extérieur et blanc à l’intérieur. Il parlerait plus à la diaspora asiatique qu’aux singapouriens eux-même. En effet, la représentation de cette cité-Etat serait grandement édulcorée. Selon les lanceurs du hashtag #BrownAsiansExist, le casting du film tairait la mixité culturelle de Singapour composé à 76 % de Chinois, 15 % de Malais et 7 % d’Indiens. Par ailleurs, plus qu’un manque de représentativité culturelle, il s’agit également de parler de manque de représentativité sociale. « Le film représente le pire de Singapour. Effacez les minorités. Effacez les pauvres et les marginalisés. Tout ce que vous obtenez, ce sont des Chinois riches et privilégiés », critique Ian Chong, politologue à l’Université nationale de Singapour.
Enfin, si ce film vise à prôner la mixité culturelle et à briser des codes racisés prédominants dans notre société, il les renforce cependant. Beaucoup de personnages sont très stéréotypés. Les protagonistes sont montrés comme des fanatiques du selfie, des soirées de galas et de tenues de créateurs. Malgré l’effort de restitution de la culture singapourienne (références à la gastronomie locale ou au mah-jong), elle reste seulement esquissée et réduite à des lieux communs.
Il existe donc une grande différence entre ce que promeut la campagne de communication de Crazy Rich Asians et ce que le film est vraiment.
En somme, si vous souhaitez voir un film divertissant, foncez ! Mais si vous désirez regarder une comédie romantique révolutionnant le genre, passez votre chemin…