Pour le réalisateur de « G.I. Joe : Conspiration » et de « Insaisissables 2 », il n’est pas question de rééditer ce genre de film de commande, où le divertissement niais fut de rigueur. Il trouvera une plus profonde motivation dans l’adaptation du roman « Singapour Millionnaire » de Kevin Kwan. D’origine Taïwanaise, Jon M. Chu a été élevé en Californie. Il existe donc une certaine déchirure culturelle qui oppose ses racines et son éducation primaire. Le sujet de ce film adopte à peu près ce postulat avant de l’expédier, puis de passer par la satire de la haute société chinoise. Le désir d’une telle production réside dans la visibilité du marché chinois, qui use d’un casting majoritairement chinois, où certaines figures, comme de nouveaux talents font leur entrée dans un Hollywood, où tout est permis.
Mais le film ne se prend pas entièrement au sérieux et c’est ce qui permet un décalage divertissant. Les riches sont stylisés à outrance, mais contribuent au ressort comique et dramatique qui touche notamment notre héroïne vedette, la charmante Rachel Chu (Constance Wu). Étant convaincue d’avoir trouvé l’âme-sœur aux côtés de Nick Young (Henry Golding), pour le coup sacrifié pour des besoins scénaristiques, elle devra faire face à la réalité et donc au fait que son bien-aimé est issu d’une richesse orgueilleuse qui réside à Singapour. Nouveau centre hollywoodisé, la ville n’hésite pas à nous faire un topo touristique avant d’entamer les enjeux attractifs qui s’offrent à nous. Le mélodrame aspire alors à nous familiariser avec les conflits féminins pour le modèle masculin qui nous correspond. De cette bataille, naît le rapport discutable entre le côté marginal et celui des plus richissimes et intouchables familles milliardaires. Passé cette lourde introduction, réduisant la figure asiatique à sa nourriture locale, il est possible de s’attaquer à la relation type « belle-mère à belle-fille » que l’on connaît déjà trop bien.
On pourrait y voir une similitude avec le récent succès francophone, répondant à « Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ? », un exemple pertinent à défaut d’être efficace dans le fond. L’humour prend un autre tournant lorsqu’on aborde les discours d’Eleanor Young (Michelle Yeoh), qui répond comme la mère protectrice, mais aveuglée par les traditions et ses expériences personnelles. On trouvera peu de réconfort dans ses justifications, car on ne s’attardera pas non plus sur ce gourou, qui aura été de courte durée. En effet, Rachel fera tout pour s’intégrer et s’adapter à un univers qu’elle connaîtra indomptable, du fait des valeurs qui se perdent dans les personnalités, régis par le bonheur familial. On laissera alors beaucoup de place à la femme, qui s’exprimera tantôt avec vulgarité, tantôt avec clairvoyance. On notera toutefois, une once d’originalité sur certaines scènes, qui sauront nous saisir lorsqu’on nous nous n’y attendrons pas. Mais les péripéties sont trop lisibles et manquent de subtilité afin de recréer une bonne atmosphère et du point de vue de l’occidental, un voyage au cœur d’une nouvelle culture.
Ce qu’il faudra retenir de « Crazy Rich Asians », c’est cette bonne fortune que la production a apportée, via les écrans du monde. Tout un panel de public est tombé sous le charme et porte un nouveau regard sur le potentiel des œuvres comme celle-ci, malgré les clichés habituels qui embellissent toute cette romance, presque trop lisse. Mais en ôtant ces codes, qui ont tendance à dicter notre visionnage, on peut en ressortir avec un sentiment plutôt simple et loin d’être désagréable. Par ailleurs, l’intention d’expérimenter une production américaine avec un casting totalement étranger souligne l’audace que l’on croyait perdu dans l’oubli. Il reste encore de l’espoir et d’autres terrains à exploiter.