Il m’avait bien manqué ce sacré Roberto Benigni, depuis son chef d’oeuvre « La vie est belle » il s’en est écoulé du temps, 22 ans quand même ! Il n’en n’est pas à sa première tentative avec Pinocchio, en 2002 déjà, il avait tenté le coup en le réalisant lui-même, mais ça n’avait pas trop marché, l’accueil était très mitigé tant celui du public que celui de la presse. C’est donc une sorte de revanche qu’il est en train de prendre par rapport à un projet, qui apparemment lui tient très à coeur, en se délestant au passage de la fastidieuse tâche de réalisation. Doté de moyens techniques largement plus sophistiqués que ceux de l’époque, le réalisateur Matteo Garrone va en profiter pour ne négliger aucun moindre petit détail, c’est d’une minutie quasi maniaque. Visuellement on a droit à des personnages fantastiques remarquablement modélisés, variés dans leur style et leur apparence, des costumes soignés qui vont avec, des décors à la fois simples et bien conçus, des effets spéciaux de très grande qualité, c’est la mixture parfaite entre le réel et l’imaginaire ! On navigue entre les deux mondes sans trop s’en apercevoir, car la transition entre les frontières se fait en douceur, comme s’il n’y avait rien de plus normal que de s’adresser à un chat ou un poisson. J’insiste sur les personnages, car derrière chaque morale pour l’enfant indiscipliné qu’est Pinocchio, il y a les protagonistes qui vont avec, avec le physique qui va bien mais pas seulement. Très sincèrement que ce soit la posture, la gestuelle, le regard ou la mimique faciale qu’adoptent les acteurs, le résultat est juste exceptionnel, ce n’est ni surjoué à la Jim Carrey, ni trop grimacé au point que ça ne puisse s’adresser qu’à des mômes, c’est pile ce qu’il faut pour que ça attise notre curiosité et notre sympathie. La caméra insiste dessus car l’importance accordée à ces formes d’expression est aussi primordiale que les dialogues, et ça fonctionne de dingue. Le duo de voyous en est la plus belle représentation, qu’est-ce qu’ils m’ont fait marrer ces deux-là ! C’est ainsi qu’on accompagne le petit Pinocchio guidé par sa naïveté et son opiniâtreté d’aventure en aventure, ou plutôt de mésaventure en mésaventure, un voyage bien plaisant. Autant ça va amuser un adulte sans l’ennuyer, autant ça va parler à un jeune enfant sans l’agresser, qui, je pense, en assimilera les morales. Si tout est à ce point impressionnant, pourquoi je le prive du coup de sa dernière demi-étoile ? Pour trois simples raisons. Déjà Pinocchio ne ment pas assez à mon goût, or c’est la première chose qui nous vient à l’esprit quand on s’apprête à le voir à l’oeuvre. Ensuite il va parfois manquer un soupçon d’humour et de poésie, attention, je ne dis pas que le film n’est pas drôle ni poétique bien au contraire, on y rit énormément, surtout par rapport au jeu des personnages mentionné précédemment, et la poésie est bien souvent présente, mais c’est quand même un peu juste, il y avait largement de la place pour l’appuyer davantage. J’avoue je suis un peu sévère sur ces deux premiers prétextes, mais c’est le troisième défaut qui est réellement décisif, concernant le manque d’émotion, surtout dans deux moments clés vers la fin du film, que je ne vais pas mentionner pour rester vague mais que tout le monde aura deviné. Présentés différemment avec plus de magie, ils auraient pu susciter un émoi bien plus intense. Je suis un peu déçu car je m’y étais préparé en fait, je n’ai finalement eu droit qu’un simple énoncé des faits, aussi brièvement et attendu que possible. Cette conclusion est loin de m’avoir convaincu, elle est fade et peu originale alors que ça aurait dû être le clou du spectacle. Le réalisateur fait forte impression en nous sculptant une oeuvre d’exception d’un point de vue visuel, animée par un jeu d’acteur manipulé à la perfection, mais ce serait vous mentir que d’affirmer que j’en ai été profondément ému, et je suis pourtant loin d’être aussi insensible qu’un pantin en bois.