Parce qu'elle était sans doute déjà la compagne indéfectible de son existence, la solitude littérale dans laquelle se retrouve Del (Peter Dinklage) après qu'un mal mystérieux ait emporté les habitants de sa petite ville est devenue sa principale force. Pensant être le dernier survivant de cette apocalypse dont lui-même et le spectateur ignore la véritable ampleur, Del s'est réfugié dans un mode de vie ultra-organisé où chacune des tâches qu'il s'impose quotidiennement sonne comme une justification au rôle de gardien d'un certain ordre dans un monde qui n'est plus. Non pas qu'il n'ait pas ses propres maux mais ceux-ci ont été laissés sur le bas-côté en cours de route et l'homme a trouvé une forme de réconfort existentiel dans la rigidité des buts qu'il s'est lui-même fixé. Del est peut-être seul mais il a appris à l'accepter et à vivre en relative harmonie avec sa condition.
Tout va bien évidemment changer avec l'arrivée en jeu de Grace (Elle Fanning), une autre rescapée qui, par sa fougue, sa jeunesse et une volonté de ne plus rester seule, va bousculer les pespectives de vie bien ordonnées de Del...
Au contraire de leur sujet, les films traitant d'une survie solitaire dans un monde post-apocalyptique commencent à se faire nombreux et "I Think We're Alone Now" semble arriver après la bataille avec très peu d'arguments -du moins pendant sa première heure- pour injecter du sang neuf à ce genre d'histoire. Comme vous l'aurez probablement déjà deviné, le personnage de Grace va bien entendu influer sur celui de Del qui, à son contact, va voir sa carapace épaisse se fendiller pour s'ouvrir à elle via des sentiments depuis longtemps refoulés. Même dans ce contexte, une histoire potentiellement amoureuse basée sur la seule opposition de caractères de ses protagonistes ne peut qu'emprunter des directions bien trop connues et "I Think We're Alone Now" ne dérogera pas à cet état de fait. Cela dit, malgré sa banalité, la première heure du film sera clairement la meilleure grâce aux qualités qui la traversent et lui donnent de la vie dans le vide du cadre proposé. On fait bien sûr allusion à son duo d'acteurs, tous deux impeccables, et ce même s'ils n'ont pas grand chose de véritablement novateur ou de consistant à transmettre à l'écran, il suffira parfois d'un seul regard de Peter Dinklage ou d'un échange avec Elle Fanning pour élever le long-métrage à un niveau dont il ne fait que rêver la plupart du temps. Repérée grâce "The Handmaid's Tale" qui lui a valu un Emmy Award, la directrice de la photographie devenue réalisatrice Reed Morano offrira de son côté quelques magnifiques fulgurances formelles notamment grâce à des jeux de lumière toujours prompts à mettre en relief l'ouverture peu à peu grandissante dont Del fait preuve à l'égard de Grace.
Bref, si "I Think We're Alone Now" n'a pas l'originalité de sa proposition et qu'il a tendance à avancer à un rythme de paresseux dépressif pour rapprocher ses deux personnages, il n'en demeure pas moins qu'il aurait pu faire un minimum le job en restant concentré sur ses principaux atouts.
Problème, lors de sa dernière partie, le film fait entrer l'imprévu dans la vie de ses deux héros pour glisser vers un nouveau terrain qu'il ne va de toute évidence pas maîtriser. Survolé et exploité a minima simplement pour remettre en cause Del, on aura même du mal à relier cet ultime acte raté aux événements qui l'ont précédé : l'idée n'était pas si mauvaise sur ce qu'elle veut exprimer mais, faute de développements conséquents, elle apparaîtra presque comme issue d'un autre film et raccordée au forceps à l'ensemble sans pouvoir jouer son rôle de nous emporter définitivement dans le lien qui unit nos deux survivants.
Fatalement plombé par cette dernière demi-heure plus que maladroite et effaçant presque instantanément les bonnes choses que l'on voulait en retenir jusque-là, "I Think We're Alone Now" ne laissera qu'un souvenir insignifiant sans jamais rendre justice à son duo de comédiens qui, eux, avait pourtant le potentiel pour en faire quelque chose d'exceptionnel.