“Capharnaüm“ est un titre subtilement choisi pour qualifier cette profusion de sujets et des thématiques abordés dans ce monde bien en désordre. Film coup poing, visuellement et comme par sa narration, le film de N.Labaki ne lésine pas sur les effets pour choquer et émouvoir. La facilité est grande à vouloir taxer la réalisatrice de misérabilisme tant cette fiction, inspirée de faits réels mais alambiquée par la cinéaste elle-même, mixe tant de thèmes percutants à la fois (enfance maltraitée, condition des femmes, survie dans la pauvreté, immigration, trafics en tout genre, ...). L'erreur est de confondre mélange de genre avec la démonstration que la spirale infernale de la misère implique et imbrique de multiples facteurs et problématiques induites, ce que N.Labakii a bien compris et mis adroitement et intelligemment en scène ici. Ce sont les conditions initiales et difficiles des vie de Zain et de Rahil, comme celles des millions d'autres êtres humains dans notre planète bien bancale, qui lorsqu'elles sortent des rails fragiles qui les font vivoter, explosent comme une bombe à fragmentation aux multiples dommages collatéraux. La pauvreté se nourrit de la richesse des nombreuses faiblesses humaines, qu'elles pourrissent puis recyclent et s'en nourrissent à nouveau. Ce n'est pas uniquement un effet de style romancé et tapageur que N.Labaki réalise ici, c'est avant tout un témoignage cru et sincère d'une dure réalité qui cache derrière un pseudo problème de la misère une multitude de complexités qui s'imbriquent entre elles, qui en sont les causes comme les conséquences gangrenantes et ravageuses. Le cycle malheureux, dont nous sommes témoins, est d'autant plus poignant qu'il est filmé avec un réalisme extrême, une immersion brutale, totale, bouleversante et dérangeante dans la torpeur des bidonvilles de Beyrouth. Le voyage secoue et remue beaucoup. Porté par la prestation magistrale du jeune Z. Al.Rafeea, ainsi qu'un casting non-professionnel intimement concerné par les faits racontés, “Capharnaüm“ étonne et convainc par la sincérité des prestations. Rythmé et captivant, le film met constamment le spectateur sous pression. Et même si N.Labaki romance parfois son propos et joue sur la longueur et quelques redondances, “Capharnaüm“ reste vrai et vivant, saisissant et tragique, bouleversant de bout en bout, et sera dans notre mémoire pour longtemps.