Etant donné que le projet présentait tous les signes avant-coureur du futur accident industriel, on peut concéder que le ‘Aladdin’ de Guy Ritchie s’en tire plutôt bien. En tout cas à hauteur du public d’enfants, à qui il se destine, et à celle des nostalgiques indécrottables du dessin-animé de 1992, qui se moqueront éperdument de tout ce que le résultat peut bien avoir d’insupportable pour autant qu’ils puissent bramer ‘Prince Aliiiii’ à tue-tête. Parmi toutes les adaptations Live des Classiques de Disney, ‘Aladdin’ était l’un des plus casse-gueule. Le résultat n’est pas “auteurisé”, avec toutes les réserves d’usage; comme ‘Dumbo’ : au contraire, il reproduit scrupuleusement la plupart des scènes du dessin-animé et n’hésite pas à en ajouter quelques-unes au bénéfice du spectacle. Il n’est pas exclusivement “animalier’ comme ‘Le Roi Lion’...mais comment assumer la lourde tâche de faire cohabiter sans casse un héros traditionnel, une princesse, un cruel vizir et un Génie hystérique ? Pour commencer, en transférant le rôle à poigne du prince vers la princesse qui, à vingt huit ans d’écart, ne désire plus seulement la liberté sentimentale mais aussi le pouvoir politique, ce qui devrait la faire hanter les cauchemars des incels pour de nombreuses années. Ensuite, il y a le Dossier “Génie”, moitié numérique, moitié Will Smith, dont les scénaristes ont pris le risque de conserver le côté survolté et histrionique. Ahem...comment dire ? Will Smith n’est pas Robin Williams...mais Will Smith n’est pas non plus un personnage dessiné et à sa décharge, je crois qu’il était impossible de faire quelque chose de convenable compte tenu des caractéristiques de ce Man-in-Blue. L’acteur fait sans doute tout ce qu’il peut mais on n’en retire neuf fois sur dix qu’un sentiment de malaise persistant. En fait, ‘Aladdin’ est un film inégal à souhait : des séquences aux effets spéciaux réussis voisinent avec des moments d’humour gênant, une réinterprétation pas mal pensée de l’une ou l’autre scène précède immédiatement une photocopie paresseuse et inconséquence d’une autre : c’est comme si, à chaque fois qu’on commençait à se dire qu’Aladdin pourrait être en fin de compte une honnête divertissement familial, il se décarcassait pour nous prouver sa nature d’adaptation qui aurait été plus inspirée de rester dans les cartons. Quant à l ’aspect musical prédominant dans la version d’origine, il n’est ici pas question de clins d’oeil discrets comme dans ‘Le livre de la jungle’ : toutes les chansons sont là, il y en a même quelques nouvelles, et chacune fait l’objet d’une chorégraphie flamboyante et démesurée qui finit par transformer ‘Aladdin’ en sucrerie bollywoodienne boursouflée. En terme de moyens déployés et d’effet spéciaux, ‘Aladdin’ en impose, évidemment mais pour ce qui est de la mise en scène, Guy Ritchie, sans doute prisonnier d’un cahier de charges très restrictif, limite son influence à celle d’organisateur assermenté de cette grande parade Disney de près de deux heures...quoiqu’à bien y réfléchir, un Aladdin avec l’accent des ghettos de Brixton aurait peut-être été plus tolérable. Cette version ne violera en rien vos souvenirs d’enfance, elle vous rappellera simplement que vos souvenirs sont des valeurs comme les autres sur le marché du divertissement. Et puis, le spectacle ravira sans aucun doute vos enfants, et vous songerez avec reconnaissance qu’ils auraient pu vous réclamer la version avec Kev Adams...