Troisième volet d’une saga qui rassemble plus que jamais le public d’action et une équipe de challengers, John Wick finit par entrer dans le panthéon de la violence. Or, l’ancien coordinateur de cascade, Chad Stahelski préfère associer son genre avec des notions cinématographiques, qui renforcent les qualités d’un univers passionnant. Après voir travaillé la psyché d’un homme torturé par la perte d’êtres chers, nous envisageons enfin un nouvel horizon, qui entrechoque les cultures internationales. Les bons points seront donc à prendre sur les aspects techniques, car côté structure narrative, on s’en lasse rapidement, car le destin de Wick est toujours mis à l’épreuve par des conflits qui ne cessent de s’enchaîner, pour le plaisir d’innover et d’expérimenter de nouvelles sensations.
Cet épisode se détache avant tout grâce à la poésie surprise, liée à la culture de la violence. Dès l’entame du film, le contexte est bref et nous plonge dans un somptueux décor qui marchande avec les valeurs du cinéma asiatiques, mariées à quelques outils esthétiques provenant notamment de Ridley Scott et John Woo. Dans les ruelles d’un New York revêtu de ses plus beaux néons et spots lumineux, il existera toujours une opposition entre deux flux. Cela sert essentiellement chaque affrontement entre Wick et les assassins du monde. Cependant, on pourra noter un sur-cut dans l’ensemble des scènes, car les chorégraphies se veulent souvent trop ambitieuses dans des espaces étroits. La caméra cherchera alors le plus de profondeur possible lorsque le nombre de sbires augmentent dans le champ. C’est pourquoi la réduction du nombre justifie la structure d’un acte final, résonant comme un tournoi, avec des paliers à franchir pour atteindre le Graal, ou dans son cas, la rédemption. Mais rien n’est aussi aisé dans ce cercle de tueurs qui dominent et influencent tout.
Par ailleurs, il est important d’identifier les enjeux de certains lieux visités, comme la bibliothèque, sanctuaire des connaissances et des souvenirs, gravés à l’encre. Les ouvrages présents constituent la richesse d’un monde qui a fait évoluer son patrimoine. Nous pourrons y voir une sorte d’ironie, sachant en quoi ils pourraient servir dans les mains d’un homme déchu et excommunié. Il en va de même pour le musée d’armes de guerre, qui renouvelle les reliques qui ont servi à verser le sang et la mort. Il y a donc un certain hommage qui sert le côté créatif des mises à mort, seul moyen de rattraper la piètre contribution scénaristique. Passé un certain cap, le cahier des charges se remplit à vue d’œil et hésite entre développer le passé de Wick afin de préserver de nouvelles exploitations ou bien de développer la machine de guerre qui ne demande qu’à en découdre pour se racheter. En chemin, il renoue donc avec Sofia, incarnée par une Halle Berry plutôt efficace, mais qui héritera d’une modeste contribution, pour le moment. Quant à l’antagoniste Zero (Mark Dacascos), il y a peu à dire, car il n’est présent que pour catalyser la fureur d’un Wick fatigué et qui s’avère de moins en moins efficace à l’approche du dénouement. Cela dit, il tiendra la promesse de divertir par le biais d’un script paresseux, mais suffisant, si l’on s’abandonne à la décharge de pugilats qui s’ensuit.
À l’image d’un générique d’ouverture inattendu, « John Wick : Parabellum » surprend sur les points que l’on attendait impatiemment. Pour Keanu Reeves et son personnage, il y a une cohabitation importante, car le film réussit à rebondir sur les expériences des volets précédents. Bien que celui-ci tire de nombreuses longueurs, notamment dans un acte final interminable et jouissif par moment, il faudra relativiser sur certains passages, car la première demi-heure soutient tout ce que le cinéphile attendra dans un véritable ballet de massacres, puis on passera à des enjeux plus lambdas, vis-à-vis de spectateurs moins exigeants. À voir, si la suite pourra préserver cette légende qui tisse peu à peu son succès, dès lors qu’il aura suffisamment renouvelé l’action burlesque et crue des dernières décennies.