John Wick : Parabellum pousse plus loin toutes les avancées de John Wick 2 : esthétique colorée, action décérébrée, classe à toute épreuve et charisme de son acteur principal, Keanu Reeves en pleine forme pour son rôle iconique des années 2010, éléments approfondis au point d'aussi mettre en lumière les défauts inhérents au concept de faire un film seulement pour la beauté de son action, sans avoir jamais pensé à en faire une oeuvre assez complexe pour toucher aussi la partie du public la plus attentive à l'intrigue.
C'est dans ce contexte de bourrinage non stop que ce troisième volet s'ouvre sur une vingtaine de minutes de course-poursuite et de meurtres au pistolet, en cavalant, en tombant d'une moto qui finira sa course à voltiger dans les airs. Tout est si surréaliste et pensé pour ajouter toujours plus de spectaculaire et impressionner le spectateur qu'on ne sait rapidement plus où se mettre, désarçonné qu'on est de se trouver devant un film dont la seule raison d'être semble se ranger du côté de ses chorégraphies et de ses cascades.
Non pas que ce ne soit pas intéressant (aucun volet de la franchise n'aura été aussi bien filmé et doté d'une photographie si réussie), c'est passionnant à voir mais loin d'être jouissif dès ses débuts : pour que l'action montrée ait un véritable impact sur le ressenti du spectateur, il lui faut présenter au préalable des enjeux, des personnages solides pour lesquels on craint quelque chose, une intrigue un minimum profonde de laquelle ressortent des thématiques et des situations qui peuvent nous toucher ou nous parler.
Tout cela viendra en coup de vent, au bout d'une petite demi-heure de massacre surréaliste : les premiers pions placés laisseront leur place à une reprise de l'intrigue du volet précédent, construisant un pont de quelques heures de différence entre la fin du second film et le début de celui-ci, reprenant les personnages où ils en étaient tout en développant de nouvelles problématiques découlant de la nature de leurs rapports avec John Wick.
On relèvera dans l'évolution des rôles une plus grande place laissée à Winston, interprété par le charismatique Ian McShane, qui trouve ici une importance enfin à la hauteur de son aura, tout en sagesse et en loyauté, ainsi qu'un retour de Laurence Fishburne réjouissant, et un léger approfondissement de la mythologie de son milieu de tueur à gages des milieux underground. Question seconds rôles, c'est un poil moins croustillant que la présence de Common et Ruby Rose, l'ajout d'Halle Berry et Mark Dacascos rattrapant quelque peu de nouveaux personnages moins développés ou charismatiques.
Incrustés dans cette histoire de chasse à l'homme à échelle internationale, tous tiennent bien leurs personnages et brillent chacun durant au moins une scène, la palme revenant forcément à Reeves et Dacascos, Némésis partageant un combat final absolument incroyable, que ce soit pour son esthétique tout en miroir et la brutalité de sa chorégraphie; experts du cinéma d'action, ils déballent à cet instant un défilé de leurs plus grandes compétences de cascadeur et de combattant, offrant au spectateur un rythme haletant soutenu par un combat saisissant.
Sans surprise aucune, la grande qualité de John Wick : Parabellum tient dans l'esthétique de ses affrontements et l'intensité monstrueuse de ses combats : jamais répétitif ou rébarbatif, il réinvente à chaque scène sa façon de détruire ses décors et de tuer les ennemis de Wick, cela en jouissant d'une photographie fantastique poussant toujours plus loin les plans clairs et les cadrages carrés proposés par le précédent épisode.
Toujours plus lisible et détaillé, Parabellum se suit sans aucun problème, laissant le spectateur contempler ses scènes d'action tout autant qu'elles pourront l'impressionner : purement esthétique, il se tient du côté de l'oeuvre d'art inattendue, de John Wick 2 en plus poussé, d'une version américain et encore plus colorée de la duologie The Raid, et qui influencera le reste des films d'action grand public pour bien des années (mouvement initié par le second épisode).
Malgré ses évidentes qualités formelles, Parabellum ne rectifie jamais la maigreur de son intrigue des vingt premières minutes, s'intéressant plus à chambouler la destinée de ses personnages et de son univers que le scénario du film. Beaucoup trop linéaire, prévisible et simpliste, il fait avancer ses personnages entre deux retournements de situation de la situation de Wick, sans jamais s'intéresser à complexifier ou à rendre moins communes les retombées de ce qui s'y passera.
Le plaisir coupable ayant dépassé l'idée même de faire un film bien construit, John Wick : Parabellum est devenu ce qu'il fallait qu'il évite : il n'existe plus qu'en tant que prolongement presque caricatural de ce qu'avait apporté John Wick 2 comme développement d'univers et apport de personnages complexes, donnant de l'action ultra spectaculaire pour de l'action complètement décérébrée, éloignée de toute écriture un poil complexe et approfondie que le public étant en droit d'attendre.
Sur ce manque d'enjeux heureusement comblé par un lore toujours aussi passionnant, viendront se poser des performances d'acteurs très convaincantes et la mise en scène voltigeuse et d'une fluidité exemplaire d'un Chad Stahelski en roue libre : plans séquences sur contre-plongées placardées de projecteurs de différentes couleurs, la franchise aura pris une nouvelle ampleur esthétique avec ce Parabellum qui ne vaut, décidément, que pour sa beauté formelle.
Reste en fin de bobine le drôle de sentiment d'avoir suivi un film qui n'a pas fait avancer grand chose, si ce n'est le quota de morts apposé sur l'ardoise de Wick.
Une référence du film d'action contemporain, surement l'un des plus réussis de ces vingt dernières années (avec Matrix?).