Forcément, l'histoire aussi incroyable que méconnue derrière la création de la super-héroïne la plus populaire de tous les temps est un argument à lui tout seul pour donner envie découvrir "My Wonder Women". De ceux qui ont grandi avec des comics entre les mains en suivant l'Amazone armée de son lasso magique sur papier glacé aux plus jeunes qui la découvrent aujourd'hui sur grand écran sous les traits de Gal Gadot, la révélation de son étonnante genèse risque d'en surprendre plus d'un et même de donner envie de relire ses premières aventures d'un tout autre oeil.
En effet, "Wonder Woman" est née de l'esprit de William Marston, un des premiers enseignants du département de psychologie à Harvard et inventeur du détecteur de mensonges avec son épouse, Elizabeth, toute aussi brillante que lui (sinon plus) mais que sa seule condition de femme empêche d'être reconnue par ses pairs. L'arrivée d'Olivia Byrne, une jeune étudiante devenue leur assistante, au sein du couple va être le début d'une véritable histoire d'amour à trois défiant évidemment par sa différence toutes les conventions établies et déjà arriérées de cette société conservatrice (le film s'étale de la rencontre des trois amants en 1928 jusqu'aux dernières années de l'existence de William Marston). Profondément féministe dans son discours et convaincu que sa théorie entourant le fonctionnement des interactions humaines s'incarne à la perfection dans la concrétisation de fantasmes sexuels inavouables pour l'époque, Marston va totalement dévouer sa vie et son oeuvre à son amour irréversible pour ces deux femmes pour tenter de l'inscrire dans une normalité qu'il voudrait enfin reconnue de tous. Cela ne sera bien entendu pas le cas aussi bien dans son milieu professionnel que dans son quotidien où ses enfants (il en aura deux avec chacune de ses compagnes) seront les premières victimes par ricochet des rumeurs sulfureuses entourant le trio mais l'auteur trouvera avec les comics et sa super-héroïne un écrin surprenant et idéal pour véhiculer ses idées de manière plus ou moins implicite au plus grand nombre avec un succès qui ne se démentira pas... du moins, jusqu'à l'intervention de ligues conservatrices prônant la vertu.
"My Wonder Women" n'est donc pas un biopic qui se fixe sur le seul point de vue de Marston à proprement parler, il préfère judicieusement se focaliser sur l'étonnante histoire d'amour en son sein et la fascination que les deux femmes de sa vie ont exercé sur lui jusqu'à lui donner envie de les recréer dans des cases d'une bande-dessinée à travers une figure féminine et super-héroïque. C'est d'ailleurs sans doute une autre qualité du long-métrage d'Angela Robinson, connue notamment pour sa participation à la série de "The L Word", traiter une romance qu'un esprit étriqué considérerait comme inhabituelle avec la plus grande simplicité pour toucher à l'universalité des émotions. En un sens, l'approche adopté d'un point de vue moderne épouse ainsi parfaitement les idéaux recherchés jadis par Marston pour toucher un large public. Et cela fonctionne : magnifiés par l'interprétation du trio absolument formidable Luke Evans/Rebecca Hall/Bella Heathcote, les rapports forcément complexes au départ et l'alchimie inaltérable se développant autour de ces trois êtres unis par un amour considéré comme déviant par une majorité participent clairement au supplément d'âme qui ne cesse d'habiter "My Wonder Women".
Seulement peut-être que cette approche très grand public pour faire connaître cette histoire représente aussi les principales limites du film. Ampoulée par son aspect de biopic à l'académisme terriblement mollasson, la forme du long-métrage en utilise hélas tous les codes les plus usés (réalisation poussiéreuse, histoire racontée par le biais d'un interrogatoire, ellipses aussi nombreuses que bien pratiques, passages que l'on sent trop romancés pour être crédibles, ...) à un point qu'elle en gomme parfois le côté extraordinaire de cette union à contre-courant, comme si finalement la fameuse "Child Study Association of America" en conflit avec Marston était également intervenue sur le film en en autorisant le contenu seulement s'il était raconté de la manière la plus conventionnelle qu'il soit. Ça a quelque part le mérite d'inscrire la narration de cette histoire d'amour hors-normes dans un moule utilisé pour de bien plus banales mais cela ôte aussi une part de sa différence qui aurait pu bénéficier d'un traitement visuel à sa hauteur afin de bien plus marquer les esprits (elle en avait bel et bien le potentiel en tout cas).
Également utilisée avec une certaine facilité (et ce, même si elle donne quelques plans superbes), l'imagerie symbolique entourant la figure de "Wonder Woman" apparaît rapidement excessive, soulignant sans cesse le rapport intime à son auteur là où une utilisation avec plus de parcimonie aurait apporté une dose de subtilité bienvenue.
En conclusion, "My Wonder Women" emporte bien sûr notre adhésion grâce au caractère unique de l'histoire d'amour derrière la naissance de "Wonder Woman", à la sensibilité de sa réalisatrice pour en capter la force des sentiments et à ses trois comédiens nous la faisant vivre à l'écran mais le cadre de biopic fatigué dans lequel tout cela s'inscrit en vient à desservir le propos plutôt que de le valoriser.