Le bouche à oreille, encore lui. Décidément, il s'avère parfois bien plus efficace que n'importe quelle campagne marketing.
Ce soir, il m'a glissé quelques mots pour un film dont je n'avais pas entendu parler et dont je n'attendais forcément pas grand chose, si ce n'est le plaisir de retrouver James Badge Dale.
Et bien au delà de la présence de l'acteur, c'est un véritable film de genre au climat pesant qui s'est doucement dévoilé à mes yeux et s'est insinué dans les moindres recoins de mon salon pour le rendre presque inhospitalier. Bref, The empty man a largement joué avec mes nerfs et pour cause.
Son introduction déjà, à me demander si j'étais devant le bon film. Une expédition dans les montagnes de l'Himalaya qui s'inscrit dans un folklore bien loin de nos certitudes occidentales et oppose quatre randonneurs aux restes d'une créature visiblement encline à la possession. Une vingtaine de minutes en forme de court-métrage qui se suffirait à lui-même tant les affres de l'horreur (superstition, incompréhension, visions, paranoïa et folie) y sont condensés avec déjà une scène mémorable en pleine tempête de neige.
Et alors seulement arrive le titre. C'est le bon film. L'ambiance est installée et elle ne retombera pas malgré la rupture imposée par ce nouveau démarrage. Nouveaux personnages, nouveau lieu, on découvre ce qu'on s'attendait à voir pour ce qui va s'apparenter à une enquête plus terre à terre dans laquelle, un ancien flic se lance à la recherche de la fille disparue de sa voisine.
Au fur et à mesure de ses recherches qui feront aussi la lumière sur son passé, il découvrira un jeu d'adolescent, jeu qui en ramènera peut-être certains à cette période faite d'histoires et de mythes horrifiques où l'on s'amusait à se faire peur, prêt à conspuer la poule mouillée qui n'oserait pas affronter l'hypothétique danger mortel, ici symbolisé par le geste anodin de souffler dans une bouteille vide, sur un pont, pour appeler ce fameux empty man.
Moquez-vous tant que vous voulez, jamais je n'aurais soufflé dans cette bouteille ! Je suis bien trop à mon aise dans mes certitudes. Jamais je n'ouvrirais la porte à la possibilité de venir ébranler les frontières de ce refuge cartésien. Et c'est ce qui fonctionne aussi ici avec le personnage de détective joué par Dale. Alors qu'il s'enfonce petit à petit dans quelque chose qui le dépasse et redessine les frontières de son monde, il s'entête aussi à fermement à garder le contrôle, à tenter de rationnaliser ce qui ne peut l'être jusqu'à une formidable et déstabilisante scène de danse autour d'un feu géant. Frissons garantis !
Et si cette scène en est l'exemple le plus mémorable, il faut avouer que David Prior ne manque pas une occasion de faire perdurer l'ambiance mystérieuse qu'il a su installer entre effets sonores illusoires et personnages aussi illuminés qu'intrigants. Ca va crescendo et sans s'adonner aux jump-scares et autres effets de manche, le réalisateur pose une véritable chappe de plomb sur nos épaules. Un film noir dans lequel, comme le héros, on s'évertue à refuser l'incursion du fantastique en tentant de s'attacher à ce qui fait notre monde depuis si longtemps.
Seul petit regret, la fin qui vient faire émerger plus de questions qu'elle ne donne de réponses. Si le déroulé de l'intrigue restait pourtant assez clair malgré le caractère inexplicable de certaines situations, si on comprend la finalité de l'ensemble, certaines images semblent venir volontairement jeter le flou sur ce que l'on tenait pour acquis et qui ne méritait peut-être même pas qu'on revienne dessus. Cela pourrait véritablement s'apparenter à une volonté du réalisateur en phase avec l'évolution de son personnage principal et dans ce cas, ce serait finement joué, mais on ne peut s'empêcher de se demander si ce n'est finalement pas qu'une tentative ratée d'explications qui nous pousserait à revoir le film une seconde fois, persuadé d'être passé à côté de certains indices.
Mais j'aime à me convaincre, bien encré dans mes certitudes, que certaines questions n'ont pas de réponses. Que parfois, certaines histoires naissent, quelque part, sans raisons, qu'elles nous dépassent car elles germent précisément de ce que nous ne comprenions pas, et qu'elles traversent le temps, se déformant, s'adaptant, mais gardant précisément leur essence même, celle de nous faire peur, car elles pourraient mettre à mal tout ce en quoi nous croyions.