Alexandru Belc nait en 1980, en Roumanie. Il sort diplômé de l’Ecole de cinéma de Bucarest en 2007 et obtient un master en sciences politiques en 2012. Il travaille ensuite en tant qu’assistant réalisateur pour Corneliu Porumboiu et Cristian Mungiu. Il est script sur le tournage de 4 mois, 3 semaines et 2 jours de Cristian Mungiu, Palme d’Or en 2007. Son premier long-métrage documentaire 8th of March qui traite de la place des femmes dans le monde du travail, est sélectionné dans de nombreux festivals. Cinéma mon amour est son deuxième long-métrage documentaire.
Alexandru Belc confie ses motivations pour la réalisation de Cinéma mon amour :
"J’ai grandi dans les années 80, au coeur d’une grande ville du centre de la Roumanie. Enfant, j’allais au cinéma au moins une fois par semaine. En fait, tout le monde allait au cinéma car il n’y avait pas d’autres divertissements. La télévision nationale ne diffusait que deux heures par jour. Je me souviens à quel point il était difficile d’avoir un ticket ou de trouver un siège libre, et souvent de nombreux spectateurs étaient refusés car les séances étaient complètes. Parfois, je devais regarder le film debout parce que la salle était pleine. Pour moi, le cinéma restait quelque chose de mystérieux. Je me souviens du son du projecteur, de l’odeur du hall, de la couleur des murs, des affiches de films, des sièges inconfortables, et du panneau «Accès interdit» sur la porte de la cabine de projection, d’où provenait toute la magie. Je n’ai pas eu la chance de découvrir ce qui se cachait derrière cette porte, parce que très vite les cinémas ont fermé. Les affiches de films sont restées derrière les vitrines pendant des années, jusqu’à ce que les couleurs soient passées par le soleil. Tous ces souvenirs m’ont motivé à lancer ce projet."
Le cinéaste Alexandru Belc a d’abord commencé un travail de recherches sur internet et dans les journaux locaux. Puis, avec son producteur, il a créé un site internet qui avait pour but d’être une base de données, une carte complète des cinémas du pays. Le cinéaste a alors réalisé que personne ne savait vraiment quelle était la situation des cinémas roumains, ce qui a été une réelle surprise pour lui.
Belc a fait ensuite un long travail d’enquête : localiser les cinémas, collecter les données, prendre des photos, et bien sûr, recueillir l’histoire de ces cinémas qui subsistent encore grâce aux gens qui y travaillent. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le documentaire parle plus des gens que des lieux. Chaque cinéma est porteur d’une histoire de solitudes, d’amitiés, d’attentes et de rêves inassouvis : l’histoire d’individus qui ont consacré leur vie au lieu, qui ont passé plus de temps dans le cinéma et la cabine de projection que n’importe où ailleurs.
Au départ, Alexandru Belc avait prévu de faire le tour de tous les cinémas de Roumanie. Et puis il a rencontré Victor, le directeur du cinéma de Piatra Neamt, qui lui a raconté son incroyable histoire : il avait refusé de rejoindre sa famille immigrée en Italie, sachant pertinemment que sans lui son cinéma ne survivrait pas. Le cinéma est devenu sa nouvelle maison, et ses deux employées sa nouvelle famille. Belc a tellement été touché par Victor qu'il a décidé de concentrer le film sur son histoire, plutôt que sur celle des cinémas qu'il avait visités. En racontant l’histoire de Victor, il parlait de tous les cinémas de Roumanie.
Alexandru Belc livre sa vision de l'industrie cinématographique roumaine :
"L'industrie change constamment, son système et ses lois évoluent. Je trouve qu’il est très compliqué de faire des films dans ce contexte. Mais, par-dessus tout, le problème majeur survient quand les réalisateurs ont terminé leurs films. Il est très difficile de les montrer au public roumain parce qu’il n’y a pas assez de cinémas pour les projeter. C‘est important de faire des films, de les montrer à Berlin ou à Cannes. Mais c‘est aussi primordial de pouvoir les montrer dans son propre pays. Aujourd’hui, l’Etat essaie de changer les lois et le monde politique réfléchit à ces problèmes.
J’espère que mon film va contribuer à faire changer les choses, mais ça reste une goutte d’eau. Nous l’avons projeté à Bucarest en invitant le Ministre de la Culture et les directeurs des institutions culturelles qui sont en charge des cinémas. La plupart nous ont confié qu’ils ne savaient pas que la situation était aussi critique. Les cinémas sont toujours propriété de l’Etat, il n’y a pas de cinémas privés. En Roumanie, le public continue d’aller au cinéma mais il a besoin de bonnes conditions de projections, de confiserie et de sièges confortables."
L’affiche du film est l’oeuvre de Federico Babina. Cet illustrateur italien a notamment réalisé l’affiche des Rencontres AFCAE au dernier festival de Cannes. Il est surtout connu pour avoir dessiné des maisons de réalisateurs célèbres inspirées par leur style cinématographique.