N'étant pas spécialement porté sur la religion, j'ai eu quelques réticences lorsqu'un ami cinéphile m'a proposé de voir "La Prière" ; c'est avec toutes les bonnes intentions du monde qu'il m'a invité à visionner ce film compte tenu d'une part difficile de mon passé lié aux addictions. Il n'est pas aisé de créer un long métrage surtout lorsqu'il traite de sujets aussi délicats que la religion, de la dépendance aux drogues, du "travail" pour se débarrasser de celles-ci. Humblement, je me permets de signaler une double "dangerosité" pouvant en puissance être provoquée par le film ; d'abord le fait qu'un jeune toxicomane se retrouve embarqué pour un sevrage dans une espèce de maison d'accueil, de refuge sans avoir eu en amont recours à la médecine spécialisée en addictologie; arrivé à bon port, toutes béquilles lui sont proscrites : médicaments, cigarettes, activités culturelles... D'ailleurs le jeune Thomas, peu après son arrivée, est en proie à une crise d'épilepsie, phénomène classique lorsqu'un sevrage se déroule sans apports médicamenteux. J'évoquerai plus loin les profils des "patients" très éloignés des personnes que l'on peut rencontrer dans les cliniques spécialisées où l'action des médecins psychiatres et psychologues s'avère salvatrice, indispensable afin que la rémission d'un malade puisse se faire. Deuxième aspect à mon sens "dangereux" du film : la manière dont la religion est mise en exergue... Nous sommes là plongé au coeur d'un genre de secte "à la Jim Jones" , dans laquelle tous les "repentis" se révèlent lobotomisés par les deux seules activités imposées : le travail et la prière; d'ailleurs, ces jeunes gens à qui il leur est interdit de se recueillir seul, ressembleraient aux protagonistes d'une publicité pour Benetton (aucune aspérité, aucune pluralité sociale, culturelle et de langage, de véritables "béni-oui-oui" ! (oui,oui oui:-)) Si le réalisateur a souhaité rendre grâce aux bienfaits religieux, il en résulte quelque-chose de caduque... En fait, suis-je peut-être trop peu érudit, mais je me pose la question de l'idéologie profonde du film. Le personnage principal m'a convaincu, cependant le récit s'avère cousu de fils blancs, "l'humain" , sa complexité est lissée; exceptées une courte séquence (drôle) dans laquelle les jeunes pensionnaires tentent de théâtraliser la résurrection de Lazare et la fin proposant une légère bifurcation. Heureusement, certaines situations prêtent à rire (indépendamment de la volonté de Cédric Kahn ?) , quoiqu'il en soit "La Prière" m'a insufflé l'envie d'écrire et je ne remets aucunement en cause le talent de Cédric Kahn.
Alexandre Pinelli.