2ème film Compétition Cannes 2000 : Pour la première fois dans sa carrière, Ken Loach, le cinéaste militant et engagé, adepte d'un naturalisme britannique, préoccupé par la représentation des luttes sociales, du monde ouvrier ou des personnes en situation précaire, traverse l'Atlantique pour filmer aux USA, le pays roi du capitalisme libéral tant combattu par le réalisateur pendant près de trente ans. Au lieu de tourner dans la grisaille de la sidérurgie de Pittsburgh ou dans la désolation de la Motor City Detroit, Ken Loach a choisi la Sun Belt de Los Angeles, dans un lieu de friction entre les classes aisées et les prolétaires, poursuivant son exploration de communautés hispanophones comme l'Espagne de la guerre civile dans Land and Freedom ou le Nicaragua dans Carla's Song. Ainsi "Bread and Roses" suit les revendications d'une poignée de femmes et hommes de ménage latino-américains employés par une société de nettoyage dans un building d'affaires de la cité des anges, en vue d'obtenir les mêmes droits que d'autres travailleurs du même secteur d'activités (couverture sociale, meilleure rémunération). Ces travailleurs immigrés, symbolisés notamment par deux soeurs mexicaines originaires de Tijuana, vont poursuivre leur combat sous la férule d'un jeune syndicaliste incarné par Adrian Brody connu à l'époque pour son rôle dans la Ligne Rouge de Malick. Oscillant entre doute, espoir, renonciation, humiliation et insouciance, leur lutte est plus solaire que dans d'autre films loachiens, la lumière californienne aidant. On peut reprocher parfois une naïveté dans les moyens de lutte et de la candeur dans la résolution de ce film, loin du tragique et du dépressif qui hante sa filmographie, caricaturée parfois à l'extrême. Néanmoins, le réalisateur sait faire poindre la douleur d'une femme immigrée qui a ses propres raisons de ne pas lutter, meurtrie par les épreuves qu'elles endurent et qu'un simple progrès social ne saurait effacer, qui retrouve sa dignité dans une scène bouleversante de confession vérité sur le sordide de son existence. Notre cher Ken apporte une forme de grandeur à ses personnages qui ne sont pas si dupes sur de possibles lendemains qui chantent mais qui recherchent néanmoins à leur manière la reconnaissance de leur valeur, en somme du pain et des roses comme les ouvrières de textiles du Massachussetts au début du XXème, dont le slogan est repris dans le titre militant de ce film, plus enjoué mais parfois plus neutre, du natif du Warwickshire.