Woh… Non mais là, clairement, ça va trop loin pour moi… Je veux bien que Fatih Akin entende nous faire une énième visite d’Hambourg. Je peux aussi comprendre qu’il cherche à nous rappeler que le quartier de Sankt Pauli, avant de devenir le quartier branché des bobos hipster, était auparavant un véritable coupe-gorge. Et d’ailleurs, s’il y a bien un truc sur lequel j’ai réussi à me retrouver dans ce film, c’est dans cet aspect fugace où il nous montre deux jeunes ados de la bonne société qui, attirés par le folklore des quartiers chauds, viennent se jeter inconsidérément dans la gueule du loup. Pour ce choc des cultures ; pour cette capacité à faire se percuter les nantis aux rebus broyés par le destin, ou tout simplement pour cette capacité à imprégner la déformation des corps et l’aliénation des êtres, alors ouais je peux encore trouver quelque-chose de « saisissant » à ce « Gloden Glove ». Mais au-delà de ça – franchement – trop c’est trop. Qu’on nous montre une première fois le monstre qu’est le personnage de Fritz à l’œuvre : OK, pourquoi pas. C’est crade, c’est cru, c’est trash : ça remue. Mais remettre le couvert une deuxième fois, puis une troisième, puis une quatrième… Là pour le coup ça devient malsain. Surtout que le film y va bien crescendo hein. Il ne nous épargne rien. Le crade est vraiment au cœur de tout le dispositif de ces scènes. Et moi, franchement, je suis rarement mal à l’aise face à film. La crudité ne me dérange pas tant que celle-ci ne me parait pas gratuite. Mais là, justement, selon moi, Fatih Akin a clairement dépassé la ligne jaune dans ce « Golden Glove ». A mon sens on sombre clairement dans le racoleur pur et dur. Et s’il y a un moment dans ce film qui, à mon sens, révèle tout le caractère malsain de ce film – et cela dans toutes ses dimensions – c’est son final. Non pas qu’il soit un paroxysme d’horreur. Non, c’est juste qu’au racolage visuel malaisant s’y rajoute un manifeste mépris de classe.
Parce que l’air de rien, pendant tout le film, on voit une petite flopée de nanas se faire charcuter. C’est sans concession. C’est jusqu’au-boutiste. C’est presque absurde. Des gars dans la salle s’en marraient même… Mais seulement voilà, à la fin la situation change. Ce ne sont plus des pochetronnes difformes qui sont dans le collimateur du terrible Fritz. Non, ce coup-ci c’est une pauvre cible innocente ; celle qu’on nous annonce depuis le départ. C’est la gentille petite blonde toute jolie issue des quartiers huppés. Là, d’un seul coup, plus personne ne se marrait dans la salle. Ce n’était plus drôle. C’était sérieux. Ce coup-ci la victime risquait d’être une VRAIE victime. Une victime qui compte… Et la mise en scène insiste bien là-dessus. On y passe plus de temps. On créé le cadre menaçant et anxiogène qui nous permet d’anticiper tout l’enchaînement d’événements qui va nous faire arriver jusqu’à l’horreur. Et moi, ce changement de mise en scène m’a amené à fortement me questionner sur la démarche voulue par Akin. Pourquoi – là – soudainement – ce n’était plus drôle ? Etait-ce parce que la cible était jeune ? Etait-ce parce qu’elle était belle ? Ou bien était-ce parce qu’elle était issue des classes sociales privilégiées ? En tout cas ça m’a fait arriver à ce bilan des plus intrigants : dans ce film on rit et on prend du recul quand ce sont de vieilles clodos qui morflent mais par contre, dès qu'on grimpe dans les rangs sociaux et plus on se montre mesuré à l'égard des victimes, comme s'il y avait une soudaine prise de conscience de la charge émotionnelle qu'impliquait la cruauté de la démarche. Ainsi, dans ce film, plus on est situé haut dans l'échiquier, plus on est jeune, plus on est jolie et surtout moins on subit les lubies perverses du personnage / réalisateur. Helga par exemple, qui est une employée, n'a juste droit « qu'à » une agression et elle s'en sort. Elle est l'étape avant le paroxysme de tension qu'incarnera la fille des beaux quartiers, encore plus jeune, encore plus innocente et encore plus jolie. C'est comme si le film s'orchestrait autour d'un étrange crescendo où, pour faire gagner en horreur sur la fin, il décidait (consciemment ou non) de s'attaquer à des victimes auxquelles on pouvait davantage « s’identifier » et que cette identification se devait de passer (ou d'être renforcée) par une identification de classe.
Bref, si je résume, avec « Golden Glove », on a donc affaire à un film qui, sur ses trois premiers quarts pratique le racolage malsain puis qui, sur son final, glisse progressivement sur des mécaniques qui intériorisent clairement des logiques de mépris de classe. Autant donc vous le dire tout de suite : moi ce n’est pas le genre de cocktail qui me refile la banane à la sortie d’un film. Que l’ami Fatih veuille nous faire explorer les bas-fonds d’Hambourg, pourquoi pas. Mais qu’il en profite pour se prélasser dans la fange tout en oubliant au passage d’où il vient, moi je ne peux pas valider ça. Et dire que je venais tout juste de revoir « De l’autre côté » du même Fatih Akin ! …Mais que s’est-il passé depuis ? Pourquoi à chaque long-métrage ce gars s’embourbe de plus en plus, aussi bien dans le fond que dans la forme ? Mystère. A moins que… Peut-être qu’au final Fatih Akin est à l’image du quartier qu’il a voulu dépeindre ici : à force de s’embourgeoiser, il a fini par perdre son âme… Enfin bon, moi je dis ça, mais ça ne reste que mon point de vue. Donc si vous n’êtes pas d’accord et que vous voulez qu’on en discute, n’hésitez pas et venez me retrouver sur lhommegrenouille.over-blog.com. Parce que le débat, moi j’aime ça… ;-)