Roma, quartier à Mexico où Cuarón a grandi. Le réalisateur signe son oeuvre la plus personnelle, voir autobiographique, pour mettre en valeur ce qui n’apercevait pas quand il était petit: la vie des femmes qui s'occupaient de lui et le climat social tendu dans tout le pays aux années 70. Cleo, bonne d'une famille bourgeoise parcourt leur maison et leur quartier sans se rendre compte des affaires personnelles de ses patrons et du changement sociale de sa ville, tout ceci suggéré aux marges des images par Cuarón.
Précisément, l'image est le point le plus fort du film, surtout la profondeur de champ. Rien de nouveau chez Cuarón, qui a toujours déplié un énorme arsenal technique, surtout dans le terrain de la science-fiction. Cependant, ici on parle d'un drame où l'action rarement se développe au centre de l'image; parfois même hors-cadre.
Dès la première scène du film on comprend que la composition du plan joue un rôle essentiel dans Roma. Le reflet du ciel s'estompe sur l'eau des dalles d'une cour. L'image devient floue sous les courantes d'eau, puis, un avion apparaît sur le flac pour traverser l'écran. Celui ne serait pas le seul avion qu'on verra dans le film, il s'agît d'une astuce, si simple comme efficace, pour, comme on avait dit, augmenter la profondeur du champ. On trouvera le meilleur exemple dans la scène du cours d'arts martiaux en plein air. Dans un premier plan Cleo et les spectateurs, au milieu les élèves, puis encore des avions dans le ciel.
Comme on a fait pendant des siècles dans la peinture, les petits objets donnaient aux spectateurs la sensation de distance, nécessaire pour créer une perspective. Pour composer ces tableaux en mouvement, Roma nous montre des scènes indépendantes à l'action principale loin du premier plan. Béla Tarr, Pawlikowski et même Coppola dans Tetro ont perfectionné ce genre de tableaux noir et blanc ces dernières années. Voici un poignée de noms porteurs qui viennent en tête quand on regarde le film, qui atteint les achèvements de ces cinéastes grâce au soin des détails.
Par contre, si les plans fixes nous impressionnent on doit aussi remarquer plusieurs séquences en mouvement. Pour exemple, à l'intérieur de la maison, au même temps que Cleo réalise les tâches ménagères, la caméra tourne sur un point fixe très lentement jusqu'aux 360 degrés. Le moment où la bonne range la table, une porte entrouverte au dortoir nous permet d'entendre vaguement une conversation privée. Une autre scène, c'est un travelling en horizontal qui suit les dégâts d'un incendie dans la forêt. Selon on s'approche du feu, la lumière éclaircit l'image. Mais le travelling le plus remarquable c'est, sans doute, la scène de la vague, grâce à la tension que la caméra nous provoque avec son va-et-bien.
Dernière mention à la scène la mieux élaborée du film,
celle au magasin de meubles, qui enchaîne plusieurs mouvements de caméra presque dans la même séquence. Deux femmes cherchent un meuble, la caméra les surveille dès un point fixe. On entend le bruit dans la rue et la caméra suit une rotation vers la fenêtre, on nous montre l'extérieur, une foule bouillonnante, de loin, sans besoin de nous mettre dedans. La caméra continue son mouvement pour capter encore une fois ce qui se passe à l'intérieur du magasin jusqu'à qu'une main fait irruption dans le plan, qui redevient plan fixe. Quand on voit l'objet dans cette main mystérieuse, le plan s'ouvre et le twist de scénario nous prend par surprise.
Tous les films de Cuarón comptent sur un coté technique formidable. Ses extravagances de science-fiction comme Children of men et Gravity, mais aussi ses films les plus intimistes comme Y tu mamá también. On ne peut rien lui reprocher à cet aspect. Malheureusement, Roma n'atteint pas la perfection à cause d'un grand bémol: l'émotion. Il s'agit d'un film autobiographique où Cuarón représente une image immaculée de sa famille bourgeoise, aseptisé, loin du moindre soupçon de critique et dans aucun cas mise en question. De l'autre coté, le personnage de Cleo est d'un naïf et d'un complaisant qui frôle la caricature. En plus, la scène censée de porter le plus grand poids dramatique du film tombe dans le mauvais goût, dans l’explicite, imposée au spectateur pour l'obliger à réagir comme si on nous visait avec un flingue. Un faux pas qui n'est pas à la hauteur de la majesté de son image, digne d'étude.
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