Love, Simon aimerait traiter du secret et du poids qu’il peut occasionner pour celui ou celle qui le porte, sans jamais l’intégrer à son écriture, sinon lors des échanges mystérieux entre deux internautes via une messagerie virtuelle. Au contraire, l’écriture du secret devient ici écriture de l’exubérance et du dévoilement de toute chose, l’homosexualité s’apparentant alors à une partie de devine-têtes qui doit, à terme, révéler l’identité de l’amant dans la nacelle d’une grande roue. Or, comment nous faire ressentir l’oppression du personnage principal, sa difficulté à verbaliser par écrit puis à l’oral son orientation sexuelle auprès de ses amis, de ses proches, de sa famille, sans représenter les hésitations, les louvoiements, les silences, les tentatives manquées ? À aucun moment Simon n’apparaît tourmenté, à aucun moment il n’interroge même la pertinence du coming out qui tend à devenir une finalité, presque un devoir pour tout jeune homosexuel n’ayant pas le droit à la vie privée, au jardin secret. Être gay c’est forcément le dire aux autres, c’est l’affirmer sur les réseaux sociaux pour faire le buzz et rallier à sa cause. Le long métrage souffre ainsi d’une grandiloquence déplacée qui échoue à saisir la simplicité, voire la banalité d’aimer un garçon lorsqu’on en est un soi-même. L’artificialité gonflante de l’ensemble aplanit les rugosités et les aspérités, confond l’amour et la guimauve, conforte le musèlement d’une romance autorisée si et seulement si elle reste à distance, par ordinateurs interposés, ou se cantonne au baiser prude tout là-haut. Où est passée la chair ? Où est passé le trouble ? Où est passé le désir ? En ce sens, Love, Simon ressemble beaucoup à Sex Education, cette horrible série qui banalise tout, dégrade tout sous couvert d’une démocratisation de la chose sexuelle contre les tabous qui l’entourent : même instance parentale qui convoque et explicite le sexe à chaque repas, même mère psy, même protagoniste principal qui doit renoncer à son intimité pour s’afficher. Aveuglées par leur ambition moralisatrice, ces productions donnent l’illusion d’un dévoilement libertaire alors qu’elles encadrent, aseptisent, stérilisent l’amour. Une normalisation dans laquelle tous les garçons gays sont des minets, soigneusement coiffés, en chemise ouverte sur un t-shirt moulant leur corps slim. Un plan s’avère assez explicite et reconduit ce discours stéréotypé : lorsque Simon, soucieux de découvrir son amoureux dans les couloirs de l’établissement scolaire, scrute les t-shirts Game of Thrones et disqualifie les uns après les autres les élèves qui les portent, incompatibles avec sa vision normée du gay-type. Si sa dénonciation du harcèlement s’avère plutôt réussie ici, sous la forme d’un chantage suite à la mainmise sur une conversation privée, Love, Simon culpabilise davantage le jeune homosexuel qu’il ne l’invite à vivre librement sa sexualité : non, un gay ne doit pas se justifier de tout auprès de tout le monde, ni forcément mettre au courant l’entièreté de son lycée. Le film n’incarne jamais l’opacité intérieure de l’adolescent qui s’affirme mais réduit son dilemme à une information que l’on diffuse via les réseaux sociaux, que l’on répète comme une rumeur dans cette société de la réaction qui uniformise et ne pense décidément plus.