Si ce sont des réponses que nous sommes venus chercher, le butin sera bien maigre, à l’image de d’un film qui a tant de mal à se faire distribuer. Pourtant, le sujet, bien qu’il puisse être dépassé par la vibe de l’époque, Brad Furman a de la place pour cristalliser cette bulle temporelle, où Los Angeles expose un peu plus ses cicatrices. Il a déjà prouvé que sa narration gagne à être instructive, à défaut d’être inventive, notamment avec « La Défense Lincoln » et « Infiltrator ». Mais il peut aussi bien sombrer dans un profond néant à la « Players », dont certains défauts refont surface. L’enquête sur les meurtres de rappeurs influents (The Notorious B.I.G. et Tupac Shakur) reste en suspens, dans la mesure où le récit semble nous embarque davantage dans un portrait sociétal douteux, dans les rangs des forces policières et administratives.
La portée s’élève donc à de la corruption pure et dure. Le film ne cache ni l’éventualité, ni son envie d’étendre la perspective d’un crime médiatisé, puis enterré par le pouvoir. Russell Poole représente donc l’agent déchu et l’âme d’un fou obsessionnel. Collègues et familles s’éloignent de sa conduite honorable, mais sans trajectoire. Johnny Depp campe cependant le héros avec une élégance qui lui sied à merveille, non sans rappeler ses récents déboires conjugaux et judiciaires. Étant donné qu’il nous revient de loin, même temps que l’œuvre, ce sera à la force de flashbacks qu’il faudra l’apprécier à sa juste valeur. Et quand bien même il semble être en phase avec son personnage, il n’est pas bien servi par la chaotique narration, sans grondements ni étincelles. Furman suggère rarement ses propos ou les analyses du journaliste Randall Sullivan. Il préfère les superposer avec une couche mélancolique dissonante, au lieu de réellement se pencher sur les nuances de racismes et de complots, qui ornent chaque étape de cette histoire sans fin.
Nous voilà avec une madame Wallace endeuillée, à qui l’on promet l’hommage. Mais derrière cet investissement discret réside une frustration, qui saurait s’emparer du spectateur, à qui l’on a dévoilé le même menu. Par ailleurs, le fantôme d’un certain Fincher transpire dans la structure, où les allers-retours incessants de Forest Whitaker diluent grandement sa performance. Dans la peau du journaliste fictif Jack Jackson, il constitue la voie culturelle, mais façonne par la même occasion une conspiration manipulatrice, liée à l’information, retenue en otage dans une immense jungle de non-dits. La difficulté se situe dans ce pivot, ce concept de terreur, égratignant l’image d’un système qui se mord constamment la queue, à l’abri des regards ou des spéculations fondées. Le problème est que le cinéaste n’est pas à l’aide sans cette démarche, qui feint en permanence de justifier son titre, si évocateur, « City Of Lies ».
Il y aura sans doute mieux à explorer dans les récents documentaires qui en découlent, plutôt que de s’investir passivement dans le visionnage. Le Death Row Records restera un cercle fermé, tandis qu’on nous rabâche frontalement que la police de L.A. est dépourvue de conscience et de morale. Ce qui aurait pu brosser le portrait d’un homme, forcé à se confiner du monde impitoyable qui l’empoisonne, n’est ni plus ni moins qu’un auto-discours de lassitude. Le message passe, le film un peu moins.