C'est un véritable drame qui a inspiré à Midi Z Adieu Mandalay. Son père, médecin de fortune, avait été appelé une nuit dans un village voisin pour recoudre le cadavre d'une femme, assassinée par son mari qui s'était ensuite suicidé. "Nous n'avons pas su en détail ce qui s'était passé, mais le fond de l'histoire était que le couple avait pensé retourner en Thaïlande après le mariage. Le mari, cependant, n'avait plus voulu repartir. C'est ce qui avait déclenché la tragédie. Mon père était un bon analyste des faits, et je me souviens qu'il nous a dit : "Cette tragédie vient du fait que la femme était trop ambitieuse; elle voulait à nouveau quitter le pays, alors que le mari n'en avait pas le courage", explique le réalisateur.
Pour de nombreux Birmans, la Thaïlande représente une chance de fuir la pauvreté, en y émigrant clandestinement. Ceux qui partent envoient ensuite de l'argent à leur famille, qui se doute rarement de la précarité dans laquelle vivent ces déracinés. On comptait en 2008 trois millions de travailleurs birmans en Thaïlande, dont deux millions sont entrés clandestinement.
Depuis 2008, Midi Z a passé l'équivalent de trois ans à enquêter en Birmanie et en Thaïlande, où il a interrogé plus d'une centaine de résidents birmans illégaux, et compilé 10 volumes d'histoires différentes. Le réalisateur a finalement choisi l'histoire qui résonnait le plus avec son expérience personnelle : "J'ai eu le sentiment de ne plus pouvoir être "totalement objectif" ni rester "à distance". Alors que je consignais la vie intérieure, faite de douleur, de folie et de détermination, de ces jeunes travailleurs migrants, je ne pouvais faire autrement que de ressentir et partager ces sentiments", confie-t-il.
Pour jouer les deux personnages principaux, Midi Z envisageait dans un premier temps de faire appel à des comédiens non-professionnels de Birmanie, de Thaïlande, de Taïwan ou de Chine. Le casting n'étant pas satisfaisant, il a finalement porté son choix sur des comédiens connus en Asie du Sud-est, Kai Ko et Wu Ke-Xi. "À partir de fin 2014, ces deux comédiens se sont lancés dans une longue immersion et de longues répétitions (l'ensemble dura 12 mois). Ils sont allés à la frontière birmane travailler dans les champs auprès des paysans locaux, afin d'entrer dans l'expérience ressentie de la vie dans les campagnes frontalières. Ils se sont formés de manière complète à tous les aspects de leurs rôles, du dialecte aux gestes et aux postures", raconte le réalisateur.