Gérard Jugnot a souvent fait des comédies un peu particulières, des comédies drôles mais avec un fond un peu douloureux. Souvent, devant ses films, on sourit beaucoup mais on a aussi une boule au fond de la gorge. « C’est beau la vie quand on y pense » ne déroge pas à cette règle puisqu’ici, il est question de deuil, d’une relation père-fils difficile, et du don d’organe. Jugnot propose un film plutôt bien tenu (il connait quand même le métier, depuis le temps…), sans temps morts, sans vraiment de pathos malgré le thème. La bonne surprise vient d’abord de l’habillage musical de son film, super agréable à l’oreille car il a pioché dans des bonnes chansons bien sympas et il les utilise à bon escient, comme « Knockin’g on heaven’s door » ou encore « On te road again ». La réalisation est assez académique et comme on est dans une comédie, Jugnot ne recule pas devant quelques gags presque clownesques, comme celui du cycliste en parachute (incarné, pour la petite histoire par son fils Arthur) et quelques répliques censées faire mouche. L’équilibre entre la comédie et le drame est un exercice qu’il connait bien et encore une fois, il réussit son mélange, sans trop en faire ni dans un sens, ni dans l’autre. Et puis il y a la Bretagne de carte postale, très belle et bien mise en valeur, avec un petit côté « carte postale » assumé : rien ne manque : les crêpes, les dolmens, la granit, la pluie, le chouchen…Au casting, il s’est réservé le rôle titre, et donne corps à ce père dévasté à la fois par la mort de son fils unique mais aussi par le gâchis qu’à représenté sa relation en pointillé avec ce dernier. Il n’a nul besoin d’en faire des tonnes pour faire passer cette émotion, la scène de la cassette audio, par exemple, sonne bien plus douloureusement et bien plus pudiquement juste que les pleurs du début du film. Dans le rôle du transplanté, François Deblock fait de son mieux. Tête à claque au début du film, il s’adoucit au fil des minutes pour devenir un plus attachant, parfois même au point d’en faire un tout petit peu trop pour que la transformation soit complètement crédible ! Les seconds rôles ont un peu en retrait, d’Isabelle Mergault à Gaia Weiss, en passant par le beaucoup trop rare (au cinéma tout du moins) Bernard Le Coq mais bien croqués, et plutôt bien tenus. Ils auraient pu être un tantinet plus écrits et mis en valeur mais cela aurait peut-être parasité un petit peu le sujet central du film : la relation père-fils qui se noue entre Loïc et Hugo. C’est évidemment cela le cœur du film et on sait d’emblée qu’on va se diriger vers ce genre d’intrigue. Un père ayant perdu son fils avec qui il n’a jamais eu la relation qu’il espérait trouve en ce jeune homme une seconde chance de se comporter comme un père. De l’autre côté, un gamin perdu sans repère trouve en cet homme bourru et attachant le père qu’il n’a jamais eu. Le moins que l’on puisse dire c’est que c’est sans surprise et cousu de fil blanc : deux âme perdues qui se trouvent pour enfin donner du sens à leur vie. Mais même très lisible (un peu trop même), ce scénario fonctionne dans le sens où on y croit, à ce père maladroit à qui la vie redonne une chance et à ce gamin qui s’assagit enfin, maintenant qu’il a une sorte de « tuteur » pour pousser plus droit. Certes, certaines situations sont téléphonées, certains gags un tout petit peu éculés (le choc des générations, ça fonctionne toujours à peu de frais), certains rebondissements un petit peu attendus
(la carte bleue, la crise cardiaque à la fin),
souvent on sourit plus qu’on ne rit mais l’un dans l’autre, le film fonctionne. Peu importe au fond qu’il soit sur des rails depuis la première image, le fait est qu’il y reste mais qu’il ne déraille pas, c’est déjà pas si mal ! On retiendra au final qu’il est bourré de tendresse et d’optimisme, à l‘image de son joli titre. On retiendra aussi qu’il évoque un sujet certes peu original mais universel : la relation père-fils et toute la difficulté que cela suppose. Et puis, et ce n’est pas rien de le souligner, il évoque aussi un sujet important qu’est le don d’organe et montre combien ce geste est important et fort. Evidemment, le scénario part d’un postulat improbable puisqu’en France, le don d’organe et gratuit et surtout anonyme. Le cinéma sublime et adoucit dans « C’est beau la vie quand on y pense » une réalité complexe et difficile.