Au garçon qui lui demande comment il faut l’appeler, Fiona Maye (Emma Thompson), une magistrate, répond qu’elle ne veut pas de « Votre Honneur » ou de tout autre titre ronflant mais simplement de « My Lady ». Cela étant, elle n’en exerce pas moins son métier en femme qui sait ce qu’elle veut. Du caractère, elle n’en manque pas, y compris à la maison, lorsqu’il s’agit de faire face à son époux pour qui elle n’éprouve plus grand-chose. Quant à ce qui concerne les jugements qu’elle doit rendre, elle sait faire la part des choses : « je suis là pour exercer la justice et non pas pour me préoccuper de questions morales », rappelle-t-elle après avoir rendu sa décision concernant l’affaire de frères siamois qu’il fallait séparer l’un de l’autre au prix de la vie d’un des deux enfants.
Des affaires familiales de toutes sortes, elle a dû en régler un grand nombre, peut-être en se protégeant, en quelque sorte, par l’application stricte des procédures prévues pour chaque cas. Son métier est éreintant, les décisions qu’elle a prises ont pu parfois susciter des tollés, mais elle a tenu bon. Jusqu’au jour où elle estime que l’affaire qu’elle a à juger ne peut se résoudre uniquement sur la base des cas prévus par la loi. Un être humain n’est-il rien d’autre qu’un cas à résoudre ?
En l’occurrence, il s’agit d’un garçon de 17 ans atteint de leucémie et refusant toute transfusion sanguine parce qu’il est Témoin de Jéhovah. Comme il est encore mineur, et même s’il a le soutien de ses parents, la décision revient à la justice. Or, plutôt que de rendre un jugement expéditif et arbitraire, Fiona Maye provoque la surprise de tous en souhaitant d’abord aller à l’hôpital rencontrer le malade et s’entretenir avec lui. Pour la première fois de sa carrière probablement, la magistrate décide de ne pas se contenter de suivre une procédure sans rien de plus. Rencontrer un mineur impliqué dans une telle affaire n’est pas prévu par les règlements judiciaires, elle pourrait s’en passer en statuant sur son cas. Mais Fiona Maye veut aller au chevet du malade, elle prend le risque de la rencontre.
C’est un risque, en effet, car personne ne sait ce qu’il peut surgir d’un tête-à-tête, quels peuvent en être les effets. Ce serait tellement plus simple et plus sécurisant de rester à l’abri du prétoire. L’entrevue entre la magistrate et le malade qui ne veut pas de transfusion a donc lieu et, de fait, elle ouvre à de l’inattendu. Et les conséquences en sont totalement imprévisibles. Rencontrer quelqu’un n’est jamais anodin et ce l’est moins encore quand il est question de vie et de mort. Touché, bouleversé par cette magistrate qui vient à son chevet de malade, se mettant à son écoute, allant jusqu’à lui faire jouer à la guitare un air dont elle chante les paroles (qui sont de Yeats), le garçon est transformé. Quant à Fiona Maye qui, une fois revenue au tribunal, rend sa décision, elle ne soupçonne pas encore à quel point le garçon a été chamboulé. Elle n’est pas au bout de ses surprises.
C’est le romancier Ian McEwan qui a lui-même adapté l’un de ses romans (« L’intérêt de l’enfant ») pour le cinéaste Richard Eyre qui signe une réalisation honnête. On peut trouver convenues les scènes de ménage entre la magistrate et son époux et assez peu inspirés certains interludes qui se veulent humoristiques. Si le film néanmoins séduit, c’est, en grande partie, à cause de la prestation sans faille d’Emma Thompson. Elle est remarquable et, comme elle est omniprésente, on a de quoi être captivé du début à la fin du film.