Quand ça ne veut pas, ça ne veut pas...
Après être passé à la réalisation une première fois avec un grotesque "Geostorm" sentant la naphtaline de tout ce qui n'allait pas dans les blockbusters des années 90, celui que l'on a connu comme scénariste attitré de Roland Emmerich (c'est dire la finesse) revient humblement avec un thriller à bien plus petit budget dont il a eu au moins la bonne idée de ne pas tenter d'écrire le scénario.
Hélas, le mauvais goût de Dean Devlin ne s'arrête pas à ses propres oeuvres mais s'étend aussi à ses choix de lecture et notamment au scénario épouvantable de "Bad Samaritan" où il a cru voir on ne sait trop comment un certain potentiel à le porter à l'écran. Dans un sens, si, on peut le comprendre, le pitch très basique de "Bad Samaritan" témoignait tout de même d'une certaine efficacité et n'était pas une grosse prise de risques a priori, la promesse d'un petit thriller pouvant faire un mininum son job était bel et bien présente...
Se rêvant photographe, Sean officie avec son meilleur ami comme voiturier d'un restaurant. Dès qu'un véhicule plus luxueux que les autres se retrouve entre leurs mains, à tour de rôle, ils en profitent pour consulter son GPS et aller cambrioler les maisons des conducteurs pendant que ceux-ci sont attablés. Leur petit combine fonctionne à merveille jusqu'au jour où, dans la propriété de l'un d'entre d'eux, Sean découvre une jeune femme visiblement torturée et ligotée...
La rapide scène d'ouverture affreuse, les plans d'exposition d'une autre époque sur fond de musique pompeuse, une petite amie nue au bout d'à peine deux minutes de film, une présentation du héros d'une naïveté confondante... Après seulement quelques scènes, tous les niveaux d'alerte de naveton en puissance sont déjà au maximum et personne ne fera grand chose pour les démentir par la suite. La mise en place du pitch va parvenir à faire un temps illusion par le suspense presque obligatoire qui en découle (toute la première nuit en gros) mais les évènements postérieurs à cette première confrontation avec ce tueur vont, eux, se donner pour but de repousser les limites du ridicule de manière assez impressionnante.
D'un côté, il y a ce héros à l'innocence invraisemblable, prêt à sauver inexplicablement une inconnue au prix de tous les risques possibles (la prison, sa carte verte, sa propre vie et celles de son entourage) et, de l'autre, un tueur dont on ne cesse de se demander comment il a fait pour s'en sortir jusque-là à la vue de son comportement complètement idiot. Traumatisé par une sombre histoire de cheval et de femme (!), ce dernier semble avoir les capacités innées d'un James Bond en puissance (avec un panel d'outils qui va de mouchards ultra-perfectionnés jusqu'à des bombes et un nombre incroyable de téléphones jetables) et fait surtout tout pour se faire arrêter en mentant là où il n'y a pas vraiment besoin à un policier (avec la tête la plus louche qu'il soit de surcroît) ou encore en agissant en plein jour à la vue de tous avec une chance quasiment divine. Mieux, à un moment, au lieu d'agir de la manière la plus radicale afin de préserver sa tranquillité et de s'occuper de sa victime vers laquelle il paraît se téléporter comme par magie, le bonhomme préférera pourrir la vie du héros à la manière d'une adolescente vexée en piratant notamment son compte Facebook sous couvert d'un plan improbable qu'il nous révélera en bout de course...
Forcément, à ce stade, "Bad Samaritan" ne pourra plus se targuer d'une once de crédibilité et se contentera d'empiler les situations de plus en plus grosses en vue d'un affrontement final amené n'importe comment pour enfin satisfaire la quête de rédemption jusqu'au-boutiste de son héros plus illuminé que jamais.
On pouvait au moins espérer que le duel d'acteurs 100% UK entre Robert Sheehan ("Misfits") et David Tennant ("Dr Who", "Broadchurch") soit le pilier auquel nous rattacher pour assurer un minimum de spectacle : pas de bol, dans le rôle de Sean, le premier peine lui à donner une véritable épaisseur tandis que Tennant, visiblement conscient de l'absurdité totale de son personnage, se contente de crisper la mâchoire et de rouler les yeux dans tous les sens pour nous signaler le caractère sans pitié et fou de son tueur...
On se consolera en se disant que ce téléfilm à peine susceptible de faire frissonner une ménagère dans les années 90 est tout de même plus regardable que "Geostorm" et qu'il y a donc encore une marge de progression existante chez Dean Devlin... Mais à quoi bon ? Il part de tellement loin... et d'une époque trop lointaine.