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Un visiteur
1,0
Publiée le 7 mars 2018
Une multitude d'invraisemblances de la première à la dernière minute. L'héroïne n'est à aucun moment crédible, ne serait-ce que parce qu'elle ignore tout de la photographie d'art; elle prend ses photos comme une touriste au pied de la tour Eiffel. Quant aux photos proprement dites , elles ne sont qu'une série de poses stéréotypées telles qu'on peut les trouver dans un magazine gay. On attendait le regard d'une femme sur des corps masculins; on a celui d'un cinéaste sur ces mêmes corps, tentant vainement de prêter sa sensibilité personnelle à son actrice; le résultat est sans appel : rien ne passe.
L'Amour des hommes souffre d'une crise d'identité car il n'a aucune idée de quoi il parle. Il se trouve séducteur mais ne fait aucun effort pour nous mettre dans l'ambiance. Il prétend être féministe mais ne se bat pas, ou se dise politique mais n'a rien à dire.
L'actrice principale, par exemple, ne prend pas des photos, mais elle joue à prendre des photos, tout comme le réalisateur ne fait que se comporter comme il pense un réalisateur se comporte, ou l'écrivain qui écrit un scénario qu'il pensait un écrivain écrierait.
L'Amour des hommes est superficiel et couvert par une voile qui nous empêche de toucher le film, ou d'être touché par cela.
Film extrêmement délicat qui se déroule à Tunis . La belle et jeune héroïne photographe, à mi-chemin entre le drame, l'analyse sociologique et l'éveil des sens nous plonge dans une société traditionnelle où chaque individu appelle de ses vœux des changements tout en essayant de respecter l'autre. Un témoignage vivant et précieux d'une société en pleine mutation douce et tumultueuse
Plutôt que de chercher un scandale stérile, c'est une proposition d'inversion du regard que propose ce film avec ce thème hors-normes, en rupture avec les photos de femmes voilées ou fétichisées visibles au générique, ou avec les autoportraits d'Amel. Il fallait une actrice expérimentée comme Hafsia Herzi pour porter ce rôle délicat : le film est écrit pour elle. (...) Si Amel est provocante, le film n'est pas sulfureux. Il n'est jamais voyeur. Une fine sensualité s'installe au contraire, en accord avec le jeu sensible d'Hafsia Herzi, des corps se dénudent dans les séances de pose mais tout cela reste somme toute assez prude. Le scandale n'est pas l'enjeu : il détournerait le débat. Car L'Amour des hommes questionne cette inégalité qui empêche les femmes d'affirmer un désir - une question d'une grande actualité à l'heure des dénonciations de harcèlement. A la recherche de l'Autre, du masculin, Amel tente d'en saisir des images. Saisit-elle une illusoire essence ou des êtres singuliers ? Le film n'évacue pas leur inscription dans le réel, si bien que ces visages et ces corps disent une histoire. Une histoire parcellaire certes mais qui donne envie d'en savoir davantage sur leurs destins, sur cette jeunesse tunisienne qui s'interroge. Ces photos, et partant les séances de pose, cherchent davantage l'absence que la présence, au sens iconique du terme, c'est-à-dire une vision qui ne cherche pas à tout voir mais à percevoir, à sentir, à éprouver, et ainsi comprendre et se comprendre. C'est dans cette subtilité de la distance que cherche à s'inscrire L'Amour des hommes. Inattendu et dérangeant, il y parvient ma foi fort bien. (Lire l'intégralité de la critique d'Olivier Barlet sur le site d'Africultures)
J'ai adoré. Film sensuel, plein de finesse, on est toujours pris à contre pied par l'intelligence d'une mise en scène subtile mais forte. Le réalisateur pose un regard vraiment aimant mais juste sur ses personnages. Vraiment, ça fait du bien. Le genre de film qui fait aimer le cinéma. Merci !
Après Corps étranger, L'amour des hommes offre un nouvel aspect du cinéma tunisien. Le portrait d'une femme qui s'émancipe et acquiert sa liberté dans un pays plus que jamais dominé par le pouvoir masculin, après une révolution qui n'a pas changé fondamentalement les moeurs. Le sujet évoque le travail d'une photographe qui tente de renverser les enjeux de séduction et d'érotisme avec un certain aplomb. Le scénario n'est pas mal écrit mais il a du mal à rester concentré sur son thème majeur, soucieux de ne pas aller trop loin, et manque singulièrement de fluidité, malgré les bonnes intentions. Indépendamment de la superbe interprétation de Hafsia Herzi, qui rend bien toute la complexité de son personnage, le film n'élève pas suffisamment le débat, en demeurant au niveau d'un cheminement individuel alors qu'il y avait là matière à construire une oeuvre plus politique. On a comme l'impression que Mehdi Ben Attia se trouve un peu gêné par le potentiel de son film et qu'il préfère, à l'inverse d'un Nabil Ayouch dans Much Loved, botter en touche plutôt que d'aller plus loin dans la peinture sociale. L'amour des hommes reste intéressant mais presque indolore.
Dans une société conservatrice, comment oser faire de l'art ? Dans une société où une femme qui désire est forcément mal vu, comment briser un tabou ? L'Amour des hommes est un passionnant film sur la photographie, ce que c'est que d'être photographe et d'être modèle. C'est aussi une plongée dans Tunis. Film à ne pas louper.
Définitivement, Hafsia Herzi est une actrice magnifique et talentueuse. "L'amour des hommes" est un film particulièrement audacieux. Ce qu'il questionne autour du positionnement d'une femme vis-à-vis des hommes, vis-à-vis de la société (ici tunisienne de surcroît) est un engagement dans une réflexion féministe rare. Quelle place occupe le désir (ici au féminin, mais on peut se souvenir de Flaubert, qui affirmait "Madame Bovary, c'est moi"), quelle liberté d'expression de ce désir est possible au sein d'une société, qui délimite le champ des possibles ? Lorsque cette femme définit son objet de création, elle objectalise les hommes, qu'elle utilise comme modèles de son art : c'est elle, qui semble prendre le pouvoir sur eux. Elle est aux commandes, mais jusqu'où est-ce supportable pour ses modèles ? Ne vont-ils pas tenter de rétablir la répartition sexuée telle que la société définit les codes et les rôles de chacun ? Où est le désirable ? Qui est désirable et désirant.e ? Si une femme se positionne comme celle qui orchestre le désir, qu'elle prend une position active, ceux qui sont l'objet de son regard vont-ils supporter la passivité résultante de cette position d'objet de convoitise passivé par le lieu du regard ? Si le lieu du désir s'origine du féminin, que devient la virilité ? Un homme orchestré par le désir féminin se dévirilise-t-il, se féminise-t-il ? Le pouvoir peut-il changer de camp ? Qu'est-ce qu'une posture progressiste dans une société, où le voile porté sur et/ou parles femmes est une question aigue ? Amel (le personnage central du film) est-elle une femme "libre" ? Si tel est le cas, cela signerait-il qu'elle cesserait d'appartenir aux hommes, d'être un objet de transaction entre hommes ? Qu'est-ce qu'aimer ? Aimer librement a-t-il un prix ? A-t-il un coût ? On ne sort pas indemne de ce fim bousculant.
Je l'ai vu en avant-première au Festival de Montpellier en octobre dernier, et j'ai beaucoup aimé: c'est dékà rare qu'une femme photographie des hommes, avec sensualité. Mais en Tunisie, c'est sans doute exceptionnel... très beau film, à recommander autour de vous pour les gens contemplatifs, car ce n'est certes pas un film d'action !!!
À Tunis, Amel, jeune femme émancipée se consacre à sa passion pour la photographie en croquant des portraits d’hommes. Fascinée par le corps charnel elle immortalise ceux qui acceptent de s’offrir à sa vision. C’est une chorégraphie du mouvement et une exploration de l’âme féminine que nous propose Mehdi Ben Attia, réalisateur tunisien déjà primé dans de nombreux festivals avec ses deux précédents films « Le fil » (2010) et « Je ne suis pas mort » (2013). Œuvre touchante et dépourvue de tout voyeurisme ordinaire, le film surprend de par sa capacité à dresser avec beaucoup de justesse l’approche d’une artiste d’aujourd’hui dans des sociétés où la femme demeure encore cloisonnée dans une image de soumission devant répondre aux moeurs en vigueur. Amel déroute, inquiète, échappe aux idées reçues et doit faire sa place pour imposer son identité. La sensible Hafsia Herzi (actrice encore trop méconnue du grand public malgré son César du meilleur espoir en 2008 pour « La graine et le mulet ») est filmée par Mehdi Ben Attia avec délicatesse, telle Amel « sculptant » ses modèles. Le réalisateur impose un style proche du cinéaste Satyajit Ray, explorant la société tunisienne d’aujourd’hui en un témoignage pudique qui est aussi un acte de résistance. Acte militant envers le droit des femmes, bousculant les idées reçues, « L’amour des hommes » est le reflet d’un monde en pleine mutation dont les bouleversements résonnent en écho avec notre actualité, la femme prenant la parole pour occuper la place qui lui est due. Le personnage de la jeune photographe inverse le processus d’une femme-objet représentée habituellement dans les images et il faut louer le travail du réalisateur pour avoir su faire éclater une vision devenue hélas lieu commun. Les acteurs sont tous excellents parmi lesquels Raouf Ben Amor (vu dans « Or noir » de Jean-Jacques Annaud) qui s’impose à l’écran dans le rôle du beau-père d’Amel. Souhaitons que le film trouve la place qu’il mérite dans le ras de marée des sorties où l’on ne sait plus que voir à force de matraquages. Si l’on aurait souhaité davantage d’épaisseur dans l’histoire d’amour entre Amel et Sami, notamment dans la dernière partie du film, la justesse de l’œuvre, lumineuse, offre néanmoins au spectateur une bouffée d’air pur et d’intelligence salutaire de par les temps qui courent.