Cet opus est une expérience intéressante. Je soupçonne le réalisateur de s'être inspiré de Mother! de Darren Aronovsky. C’est un drame qui flirte avec le paranormal. Le développement est axé sur la psychologie des personnages. Le sujet central, c’est une relation implicitement incestueuse entre un frère : Ethan, et une sœur : Alice. Principalement, vous pouvez vous attendre à une atmosphère particulièrement mystérieuse : une narration qui vous place dans l’incertitude au sujet de ce que vous voyez, de ce qui est raconté. Ce film fera l’objet d’une réception différente selon les téléspectateurs, étant donné que le film peut-être perçu selon plusieurs niveaux de lecture. Un film classique propose conjointement une lecture littérale (les faits racontés) et une lecture symbolique (la signification), or, dans le cas de « Welcome the stranger » on n’est pas sûr que ce que l’on voit est « réel », on ne nous précise pas ce qui est factuel dans le récit. En conséquence, la frustration est prévisible pour les spectateurs qui attendent un dénouement qui explicite totalement le film. Il y a définitivement plusieurs façons de comprendre ce film. Loin d’être une facilité du réalisateur, qui mélangerait des éléments épars et aléatoires dans un récit indéfini et brouillon, cette œuvre parvient à faire cohabiter plusieurs interprétations possibles sans donner d’indices décisifs sur celle qui domine. (A moins que je ne les ai manqués).
Je propose plusieurs approches possibles de l’histoire :
1/Ethan et Alice sont fous. 2/ Le surnaturel est réel. 3/ Les séquences « paranormales » sont des rêves. 4/ Tout le film est un rêve (ou quasiment). Et dans l’hypothèse onirique, qui rêve ? Ethan ou Alice ? 5/ Une explication du sous-texte du film (qui n’exclut pas les autres approches) : une allégorie sur la relation frère/sœur, dans le cas présent une sœur possessive qui peine à accepter la relation de son frère avec une nouvelle venue.
Il y a tout de même un fil directeur dans ce film : c’est une relation fraternelle fusionnelle qui plonge les protagonistes dans les tourments. La question principale : qu’adviendra-t-il de la relation entre Ethan et Alice ? A propos du jeu d’acteur, l’actrice Abbey Lee (vu dans The neon demon) délivre une très bonne prestation dans le rôle d’Alice, son partenaire Caleb Landry Jones joue correctement un Ethan perturbé et incertain.
Concernant la mise en scène, de nombreux plans sont conçus pour être chargés de sens. Exemple : l’insistance avec laquelle le réalisateur nous montre l’habitation et son environnement.
L’éclairage est souvent vert pâle en journée. Il y a un mouvement de rotation de la caméra à plus de 180° lorsque les personnages cherchent un marqueur, ce choix semble coïncider avec les propos d’Alice tenu ultérieurement dans la même pièce, sans parler de la présence récurrente de sphères dans la demeure et ses abords…
L’ambiance intrigante est réussie et la musique y participe.
J’ai une interprétation très personnelle, je pense avoir discerné une inspiration mythique ou mythologique dans cette histoire. L’entrée de la maison entourée de piliers sur lesquels repose un linteau fait penser à une ruine antique.
Le ciel semble dessiner une constellation lorsque le portail s’ouvre : des points rattachés par des lignes. La voute céleste et la maison semblent être des personnages à part entière. La maison est entourée de verdure et son intérieur est nimbé de lueur verte, or, Ethan et Alice ont un éclat vert dans la piscine, ce qui souligne leur similitude. Par opposition Misty, la nouvelle venue, semble être une personne aérienne, premièrement par le nom (=Brumeux voire nuageux), mais aussi parce que sa présence est accompagné par les seuls plans intégrant un ciel nuageux. Les personnages semblent liés à une symbolique élémentaire. Misty donne l’impression d’être apparu spontanément telle qu’on la voit (comme les divinités grecques). Aussi, Alice porte au coup une pierre verte issu de l’éruption du mont Saint Helen, or, le nom de sa mère est justement Helen. De plus, Alice dit que cette pierre est un fragment de catastrophe, or, sa mère la percevait comme une erreur. Faut-il en conclure que ce joyau symbolise Alice, qui serait « apparu » par accident. Cela en dit long sur sa personnalité : elle ne se sentait pas désiré et craint d’être abandonnée, livrée à elle-même.
Chacun peut voir le film pour se faire un avis. Il mérite le détour.