"Stand by Me" repose sur la nostalgie, et à l'origine, je ne suis pas particulièrement sensible aux œuvres reposant sur la nostalgie – en partie parce que que 95 % d'entre elles sont ratées : trop simples, hors de propos, mièvres, beaucoup d'« hymnes-à-l'enfance-pleines-de-tendresse » ne sont des hymnes que parce qu'ils sont pompeux et convenus, la tendresse s'y changeant en pathos gnangnan. Ici, il faut reconnaître que « ça marche » – en tout cas pour l'ancien petit garçon amateur de campagne que je suis. (Est-ce que « ça marcherait » aussi bien chez une fille ou chez quelqu'un qui n'a jamais fait de promenade en forêt ?) On ne peut pas rester indifférent au parfum de simplicité qui émane du film : scénario simple, narration simple, décor simple, personnages simples – voire à la limite d'être simplistes, quand on songe aux seconds rôles.
Et sentiments faussement simples, car l'amitié, la solidarité, l'impression de devenir grand, sont des choses plus complexes qu'il n'y paraît. Plutôt que de les théoriser ou de de s'appesantir sur elles, le film de Reiner – comme le texte de King, d'ailleurs – a l'intelligence de se contenter d'en montrer les manifestations extérieures, faisant confiance au spectateur pour "se" représenter ce qui se trouve sous le vernis. Ces thèmes sont complexes à plus forte raison quand ils sont passés par le prisme de la nostalgie – le film se déroule a un moment de l'histoire et à une époque de la vie qui sont révolus pour la plupart d'entre nous – ou parasités par des considérations extérieures au cinéma – qu'on mette en relation cette scène finale où le personnage de Chris Chambers disparaît de l'image avec la fin de l'acteur qui l'interprète. "Stand by Me", donc, vous prend par l'affectif.
Mais l'affectif ne fait pas tout, et si "Stand by Me" est un film plutôt réussi, c'est aussi d'un point de vue cinématographique. Stephen King a coutume d'en faire des tonnes dans ses récits ; « Le Corps » (la nouvelle dont est tiré le film) fait relativement exception a la règle, et Rob Reiner aussi a su se garder de faire dans le trop lourdaud – en tout cas jusqu'aux cinq dernières minutes, et à l'exception, comme je l'ai déjà dit, des personnages secondaires. Il est aidé par une bonne équipe d'acteurs, parfaitement en phase avec « les » simplicités mentionnées plus haut. Par ailleurs, Reiner adapte parfaitement le rythme du livre : une alternance entre temps forts et temps faibles mais sans temps morts, servie par une alternance plans larges entre des plans larges sur les paysages et des plans plus serrés sur les personnages, et par des interventions intermittentes de la voix-off qui donnent au film une respiration, une dynamique et une variété – mais dont le prix à payer est l'absence de style vraiment personnel et d'identité visuelle. Surtout, et c'est une très bonne chose, ce qu'il y a d'universel, et donc d'important, dans "Stand by Me" n'est pas ce qui apparaît pas à l'écran : impossible de ne pas voir que le récit se passe aux États-Unis dans les années 1960 (ces habits...), et que le film a été réalisé dans les années 1980 (ces couleurs...) ; ce qu'il y a d'universel, et donc d'important, dans "Stand by Me" est à chercher dans une certaine mesure dans la voix-off du narrateur, mais avant tout dans le cerveau du spectateur de cette quête initiatique, dans laquelle la recherche de la mort est aussi une recherche des personnages par eux-mêmes.