Décidément la radicalisation islamiste inspire les cinéastes car, après "L'adieu à la nuit", le dernier film de Téchiné, voici la dernière production des frères Dardenne, "Le jeune Ahmed", qui aborde avec infiniment de tact ce sujet hautement délicat. Voici donc un jeune de 15 ans, issu de l'immigration, qui, du jour au lendemain, a changé de comportement tant vis-à-vis des femmes que vis-à-vis de lui-même (obsession du péché et des ablutions prétendument réparatrices, fixation sur la prière dans un désir toujours affiché de "pureté"...). Et s'il en est ainsi, c'est que le garçon agit sous l'influence d'un imam qui l'incite à la violence vis-à-vis des "Juifs et des Croisés" - dixit l'imam, épicier de sa profession -, et lui fait miroiter le djihad comme perspective d'avenir lui permettant, comble de la félicité, d'accéder au statut de martyr. L'adolescent n'hésitera pas à passer à l'acte et c'est ainsi qu'il cherchera à tuer une enseignante "apostate", d'où son enfermement dans un centre pénitentiaire où des éducateurs chercheront à le délivrer de cette puissance maléfique qui s'est introduite en lui. Le film des frères Dardenne est conforme à l'idéal de sobriété qui caractérise leur cinéma. Bressons des temps modernes, ils savent mieux que quiconque développer des thèmes de société de la manière la plus rigoureuse qui soit : absence totale de clichés esthétiques, recours à la musique aussi rare que possible, plans fixes ou mouvants cernant avec une infinie justesse les motivations et le comportement du personnage principal. Mais au-delà des qualités formelles et des principes stylistiques des deux frères, on ne pourra qu'être sensible à la volonté de ne surtout pas accabler leur "jeune Ahmed", mais de le présenter comme une victime d'une idéologie meurtrière issue de ce que la religion peut produire de pire, la fanatisme. Or, le parcours de l'adolescent tel qu'il nous est présenté tend à une forme de rédemption envisageable et, si le film offre une fin aussi ouverte, c'est que les frères Dardenne ne renoncent pas à une issue favorable tant au jeune homme qu'à son entourage. Optimisme déraisonnable ? Non, car avec les Dardenne rien n'est sûr mais tout est possible pour envisager des lendemains meilleurs.