Le chef d'oeuvre épique qui révolutionna un genre depuis longtemps oublié: le péplum. Au niveau du scénario: dès le début, on sent une grande profondeur au niveau des thèmes (complots, politique, meurtres, mais aussi psychologie, vengeances personnelles, amitiés) et des genres (aventure, thriller, action, drame): Gladiator est à la fois épique, tragique et romanesque. Plus réussis encore que le scénario sont les personnages, que certains qualifieront de stéréotypés mais dont la profondeur en font plutôt des archétypes: Maximus, le vertueux général, est attachant et charismatique, et Commode, le despote cruel, fou et malveillant, provoque la révolte intérieure, rend mal à l'aise, et provoque même la pitié: Ridley Scott n'est pas tombé dans le piège du "méchant qui est méchant pour être méchant", mais insuffle à Commoode une psychologie complexe: on voit bien que sa malveillance est due à la jalousie et à la paranoïa, des sentiments sommes toute humains. On aurait bien sûr tort de croire que le film se limite à une confrontation entre ces deux personnages opposés et fascinants: des personnages secondaires, des rebondissements, viennent considérablement étoffer le scénario: Gladiator est tout simplement passionnnant d'un bout à l'autre.
Même quasi-perfection au niveau esthétique: décors (le Colisée) et costumes sont magnifiques et souvent fidèles à la réalité. Ridley Scott signe ici son apogée en matière de mise en scène: la photographie est tout simplement magistrale, chaque image, chaque plan du film a une beauté et une majesté incroyables. Les dialogues sont devenus cultes: "ce que l'on fait dans la vie... résonne dans l'éternité!", "le général qui est devenu un esclave....", "maintenant nous sommes libres....". Les répliques atteignent un niveau shakspearien, beaucoup seraient à inventorier. Elles parviennent à doter les personnages d'une psychologie extrêmement complexe et étonemment épaisse.C'est notamment le cas de Commode, personnage qui accomplit l'exploit d'être à la fois monstrueux et inquiétant au possible tout en provoquant la compassion du spectateur.
Hans Zimmer aurait mérité un oscar pour sa musique, qui accompagne à merveille le film. On retiendra en particulier deux thèmes musicaux épiques, un autre qui illustre la folie de Commode, et trois thèmes tragiques tellement intenses qu'ils apportent par moment les larmes au yeux, ainsi que d'excellentes musiques d'action... en fait, toute la musique de Gladiator serait à inventorier. C'est la musique qui associée à la mise en scène magistrale de Ridley Scott a su recréer cette ambiance si particulière dans l'arène qui a contribué au succès du film.
Les scènes d'action sont très spectaculaires: On assiste à une bataille d'ouverture jouissive (bien qu'extrêmement peu réaliste, Scott s'améliorera par la suite en matière de réalisme) puis à des combats dans l'arène tous plus intenses les uns que les autres. On retiendra en particulier la scène avec les chars, aussi spectaculaire qu'épique, le combat contre le Gaulois, extrêmement bien chorégraphié et filmé, et enfin le duel final tellement tendu et bien mené qu'il en est devenu culte.
Pour le réalisme historique, on se rend vite compte que ça n'a pas été la priorité de Scott. De la bataille du début au personnage de Commode, le film fourmille d'erreurs et d'inexactitudes. Mais au delà des détails, le film est passionnant pour qui s'intéresse à cette époque. En effet, il parvient à recréer une ambiance générale très fidèle à celle qui régnait à l'époque de l'Empire romain. Commode est un mélange de Caligula et de Néron: il devient ainsi représentatif de la cruauté et du machiavélisme des empereurs de Rome. La terreur qui envahit l'entourage de Commode sonne donc très juste. Maximus est à la fois inspiré de Narcissus, l'esclave qui a tué Commode, de divers gladiateurs célèbres et de Spartacus. Ce personnage de fiction permet donc d'apporter un contrepoint moral au film, le manichéisme permet de faire ressortir la noirceur de cette époque. Bref, si le film possède bon nombre d'erreurs historiques dans les détails, il permet de témoigner de l'ambiance qui régnait dans le palais de l'empereur ou dans l'arène au IIème siècle après JC. Cette époque est retranscrite dans toute sa noirceur et toute sa cruauté: c'est en partie ce fond historique qui rend Gladiator si prenant. Un paroxysme de suspens, d'émotion et de souffle épique est atteint durant la dernière demi-heure du film, peut-être le final le plus poignant jamais réalisé.
Que dire de plus si ce n'est que Gladiator a amplement mérité ses quatre oscars, qu'il s'agit du plus grand film de Ridley Scott à ce jour et qu'on regrette que si peu de péplums soient sortis après Gladiator?