L'année 2014 s'annonce riche en péplums. Nous avons eu Pompéi, de Paul W. S. Anderson en début d'année, et on nous annonce La légende d'Hercule, de Renny Harlin, Noé, de Darren Aronofsky, et Exodus, de Ridley Scott. Nous surfons encore sur la vague du Gladiator effect, c'est à dire le regain d'intérêt pour le péplum provoqué par le film Gladiator (2000), de Ridley Scott. Grâce à lui, nous avons eu des films tels que Troie (2004), Alexandre (2004), 300 (2006), Le choc des titans (2010) … Non mais bon, c'est que des exemples, je suis sûr qu'il y a eu aussi des bons films, non ?
Plus sérieusement, Gladiator, 5 oscars, dont celui du meilleur film et du meilleur acteur pour Russel Crowe, 457 millions de dollars au box office, a été un succès phénoménal dont nous sentons l'effet encore aujourd'hui. Mais ce succès était-il bien mérité ? Voyons plus en détail.
Le scénario est une histoire classique de vengeance. Un général de l'armée romaine, Maximus Décimus Meridius (Russel Crowe), revient victorieux de la guerre. L'empereur Marc Aurèle (Richard Harris) veut faire de lui son successeur, car il trouve son fils Commode (Joaquin Phoenix) qui ne partage pas sa vision de Rome. Celui-ci l'apprend, assassine son père et condamne Maximus à mort lorsqu'il refuse de le reconnaître comme empereur légitime. Ah, et il fait aussi tuer sa femme et son fils. Maximus s'échappe, chevauche au hasard jusqu'à se faire ramasser par un marchand d'esclaves, qui le vend à un lanista du nom de Proximo (Oliver Reed). Fort de son expérience de soldat, Maximus devient un très bon gladiateur, et commence à se faire connaître dans sa région, sous le nom de « l'Espagnol ». Lui et ses camarades sont tellement compétents qu'on leur propose de se produire à Rome, où justement, Commode organise 150 jours de jeux pour fêter son investiture. Maximus en profitera pour prendre sa revanche sur Commode.
La première chose qui me dérange, c'est que ce film est un remake qui ne dit pas son nom : C'est la Chute de l'Empire Romain d'Anthony Mann ! D'accord, le film part dans une direction différente, comme par exemple que le héros de l'original, Livius reste au service de Commode. Mais les deux films commencent et se terminent de la même façon. Lucilla, la fille de Marc Aurèle, noue même une idylle avec le héros, comme dans l'original ! Idylle qui ne sert à rien soit dit en passant.
D'ailleurs Lucilla ne sert pas à grand'chose dans ce film : c'est juste un prétexte pour que le héros fasse le choix entre son bonheur possible avec elle, et son honneur. Mais ce choix n'est même pas bien traité : l'intrigue amoureuse est amenée en fin de second acte et n'a pas le temps de se développer, donc le spectateur ne sent pas le choix. Cette intrigue parallèle aurait pu être supprimée ou mieux traitée.
C'est le cas, d'ailleurs de beaucoup d'autres éléments du film : les camarades de Maximus sont juste des stéréotypes, Proximo est presque intéressant par moments, mais à chaque fois, il retombe dans le discours pompeux dont on n'a que faire. Les sénateurs sont des machines à exposition.
Heureusement, les personnages principaux sont intéressants, non ? Non.
Parlons du personnage principal : Maximus Decimus Meridius. Dieu que ce personnage est raté ! C'est un mec à qui il arrive toutes les tuiles du monde, qui doit lutter pour regagner son honneur, et on arrive à rendre ça inintéressant ! Ce héros est tout ce qu'il y a de plus classique, bien sous tout rapport, sans aucune variation sur ce thème, aucun dilemme particulier, aucun trait de caractère qui lui soit propre, bref, rien qui fasse que j'en aie quelque-chose à carrer quand il se bat. Et la performance de Russel Crowe n'arrange rien : sans être mauvais, il n'est guère émouvant
Commode est un méchant stéréotypé. Sa seule caractéristique, c'est son manque affectif qui le pousse à vouloir être aimé à tout prix (pas étonnant, avec le père qu'il a eu), ce qui pourrait être intéressant, mais il retombe bien vite dans le cliché. Mais je serai plus clément avec lui, parce qu'au moins Joaquin Phoenix le joue de manière un peu exagérée, et donc amusante.
Parlons enfin de Dumbledore, pardon, Marc Aurèle. Ce personnage n'est là que pendant le premier acte, mais il me paraît assez représentatif de l'état d'esprit du film. Marc Aurèle n'a (quelle surprise!) aucune personnalité. Il devrait être une figure paternelle, mais non, il est plus intéressé par son idéal politique, « une certaine idée de Rome » qu'à ses propres enfants. Mais, je ne le lui reprocherai pas, puisqu'il le reconnaît et le regrette.
Ce qui me turlupine, c'est qu'on est censé le considérer comme sage, puisque Maximus défend ses idées. Sauf que moi, je ne vois rien de sage dans ce qu'il fait. Par exemple, pourquoi désigner Maximus comme successeur dans le dos de Commode ? Autant le dire à tout le monde, comme ça au moins, Commode pique sa grosse colère mais il se soumet parce que tout le monde est au courant et parce qu'il n'a pas le charisme ni les amis nécessaires pour se rebeller.
Bref, Marc Aurèle n'est ni un bon père, ni un sage, ce qui peut être intéressant (après tout, un personnage parfait peut vite lasser), mais est ici traité de façon trop convenue.
Bon, vous l'aurez compris, je suis pas très fan. Oh, ce film est divertissant, plutôt joli à regarder, les scènes d'action sont plutôt impressionnantes et l'OST de Hans Zimmer est brillante. Mais son scénario est si basique, les personnages sont si fades et les thèmes abordés si convenus que je ne peux pas l'apprécier pleinement. Ça n'en fait pas un mauvais film, loin de là, mais je me refuse à croire qu'il n'y avait rien de mieux en 2000 pour mériter 5 oscars.