Lady Macbeth, titre fort en sens, se transforme dans nos contrées en The Young Lady : cette propension des distributeurs français à traduire un titre original par un autre titre en anglais me dépassera toujours. Certainement nous prennent-ils pour des spectateurs stupides incapables de prononcer "Macbeth" en caisse... Bref.
Lady Macbeth, titre fort en sens, se transforme dans nos contrées en The Young Lady : cette propension des distributeurs français à traduire un titre original par un autre titre en anglais me dépassera toujours. Certainement nous prennent-ils pour des spectateurs stupides incapables de prononcer "Macbeth" en caisse... Bref.
Difficile de se forger un sentiment à chaud après le générique de fin, tellement l'austérité ambiante du film prend à la gorge. Lady Macbeth est d'une noirceur incroyablement glaciale, fascinante de la première à la dernière minute. Hormis quelques nappes sonores illustrant les moments les plus ténébreux du film, absolument aucune musique n'est utilisée dans le film, ambiance radicale rendant le tout aussi contemplatif qu'effrayant. Ce choix loin d'être aussi scolaire qu'on pourrait le penser dessine à merveille toute l’ambiguïté de ce portrait, aussi bien l'ennui régressif que le poison aride de la passion. Filmant quasi-intégralement en plans fixes, la caméra tend toutefois à se libérer lors des rares moments aérés du film où la jeune protagoniste respire à nouveau la liberté, englobée des élans de la caméra portée.
Dans ce récit où la jeune Katherine doit faire face à la misogynie de l'ère victorienne, une société où la domination masculine est totale, et on ne peut que s'attacher à elle. D'autant plus que le personnage est porté par la talentueuse Florence Pugh, imposante et charismatique avec son innocence faussée et le timbre grave de sa voix... Le film s'en trouve vraiment perturbant car la caractérisation de Katherine est progressivement mise à mal, jeune femme tout doucement contaminée par les travers quotidiens qu'elle subit, achevant le métrage par un acte abominable. Ce parcours se révèle littéralement irritant pour le spectateur, qui malgré tout ressent de la sympathie et voudrait qu'elle prenne en main son destin.
Domine alors ce paradoxe d'identification assez saisissant, d'autant plus que Katherine qui souffrait en silence empoigne son indépendance de manière presque anachronique, jeune punk giflant et riant au nez des codes de cette époque. Couplé à l'ambiance radicalement glaciale du film, c'est comme si cet exécrable patriarcat (qui fait encore écho aujourd'hui) donnait naissance à quelque chose de surnaturel. La jeune protagoniste deviendrait presque une sorte de créature de Frankenstein - son créateur étant le joug masculin - une entité caméléon qui passe d'un aspect à un autre de façon invisible, des visages contradictoires, de la dame blanche oisive à le veuve noire sans émotions... Au-delà de la romance à costumes que l'on pouvait attendre, Lady Macbeth révèle peu à peu la toile d'un véritable film de genre, comparable en certains points au récent Brimstone.
Malgré le stoïcisme ambiant, rappelons toutefois le joli travail de reconstitution du film, malgré la relative simplicité du décor en quasi huis-clos. Le décor champêtre de Chester, lieu de tournage du film, offre des images extérieures absolument magnifiques, panoramas dont la brume n'enlève en rien ses couleurs, brillamment mis en lumière. Sans compter l'excellent travail sur les costumes, par la chef-costumière de Steven Spielberg qui a déjà officié sur War Horse et Lincoln. Bouclé avec un budget à hauteur d'un demi-million d'euros, ce premier film est sans conteste une belle petite prouesse.
Entre fascination et perversion, Lady Macbeth ne laissera pas indifférent ceux qui céderont à son aura incroyablement oppressante et ambiguë qui étouffe les codes attendus, offrant plutôt derrière la passion et la romance le portrait glaçant d'une jeune femme qui, piégée dans la toile de l'emprise masculine, se transforme en veuve noire.