Après "Norte, la fin de l'histoire", "La femme qui est partie" est le deuxième long métrage de Lav Diaz que j'ai eu la possibilité de voir. Un film qui a obtenu le Lion d'or lors de la dernière Mostra de Venise. Plus court d'une demi-heure que "Norte", "La femme ..." est sans doute le plus court de la petite vingtaine de longs métrages de fiction à l'actif du réalisateur philippin : seulement 3 h 46 mn ! Je dois honnêtement avouer que j'ai eu un peu de mal à vraiment entrer dans "La femme qui est partie", mais une fois pris par l'histoire et l'atmosphère, impossible pour moi de décrocher ne serait-ce qu'un quart de seconde. A la sortie du film, on peut entendre dire que tout aurait pu être raconté en moins de deux heures. C'est tout à fait exact. J'irais même plus loin : l'histoire de ce film, on peut la raconter en moins de 5 minutes. Et alors ? Ce qui compte, c'est la façon de raconter, cette alternance qui semble bien être la marque de fabrique de Lav Diaz entre scènes très fortes et moments de respiration, de contemplation, durant lesquelles on a l'impression qu'il ne se passe rien, sauf qu'elles sont esthétiquement très belles (très beau noir et blanc) et qu'elle permettent, à la fois, de bien "digérer" la scène forte précédente et d'aborder en pleine forme la suivante. L'action du film se déroule en 1997, à une époque où Manille était surnommée la capitale asiatique du kidnapping, avec de nombreux enlèvements touchant principalement la communauté chinoise. C'est le moment où Horacia, une femme d'une soixantaine d'années, sort de prison. Cette prison, cette ancienne institutrice y était entrée 30 ans auparavant, pour un crime qu'elle n'avait pas commis. Elle n'a que deux idées en tête : se venger de celui qui a commandité le crime qu'elle n'a pas commis tout en la faisant accuser, et retrouver son fils. En fait, Horacia, devenue Renata pour passer inaperçue, va surtout passer son temps à faire le bien autour d'elle, commençant par faire un énorme cadeau à celle qui a gardé sa maison durant son emprisonnement, s'occupant d'une jeune sauvageonne, aidant dans son travail nocturne un bossu vendeur de baluts et, surtout, recueillant Hollanda, un travesti épileptique et suicidaire, qu'elle va arriver à traiter comme ce fils qui a disparu et qu'elle aimerait tant retrouver. Après "Norte, la fin de l'histoire", librement adapté de "Crime et châtiment", on ressent chez Lav Diaz la forte influence de Dostoïevski, avec ce combat entre le mal, la vengeance et la compassion. Lav Diaz a déjà été primé à Berlin, à Locarno et, donc, à Venise. A Cannes, il n'a eu droit, avec "Norte, la fin de l'histoire", qu'à une sélection dans "Un Certain Regard". On attend avec impatience une première sélection dans la compétition officielle !