Un documentaire passionnant sur la SECU, qui réhabilite la mémoire d'Ambroise Croizat. Dans cette période triste et maussade où l'on ne sait plus qui croire ni à quoi se rattacher, où les lois du marché et le néo-libéralisme nous soumettent à leurs logiques implacables, où le fatalisme des discours ambiants anéantit tout espoir d'amélioration, d'un avenir meilleur et où se dessine un horizon relativement inquiétant, il fait bon d'entendre autre chose que "trou de la SECU", "déficit budgétaire" et tutti quanti. Ce docu porteur d'espoir, nous rappelle que la SECU s'est créé dans une France ruinée, dévastée par la guerre, mais une France habitée par cette volonté de tourner la page, de porter et de défendre des projets progressifs, d'être solidaire et de l'être fièrement. Cela nous amène à relativiser sur l'époque dans laquelle nous vivons : la France ne sort pas de la guerre, l'état du pays est bien meilleur qu'en 45. Pourquoi devrions nous accepter d'être cette génération résignée, qui doit se sacrifier pour rembourser cette dette immense qui empoisonne la France (bien qu'elle en arrange plus d'un ..) et qui classe toute idée progressiste immédiatement utopiste parce que trop coûteuse? Ces logiques financières, qui nous imprègnent de leur caractère implacable, viennent menacer des acquis sociaux comme la SECU. Et c'est ce que ce documentaire excelle à démontrer.
Même si j'adhère à l'idée, il convient de prendre du recul et de rappeler que ce film est avant tout militant. Son objectif est de nous démontrer que son point de vue est le bon, pour nous amener à le partager (ce en quoi il excelle d'ailleurs). Bien que la parole soit donnée à des personnes ne partageant pas l'opinion défendue par le film, leurs interventions restent caricaturales : Claude Reichman, très à droite, qui associe la France à l'un des derniers pays communistes au monde (haha) ou encore Denis Kessler, le vice président du MEDEF, qui défend lui aussi des positions très à droite. Ces opinions extrêmes sont davantage utilisées pour légitimer l'approche et la conclusion du film, que pour amener un réel débat sur le sujet. En cela, ce documentaire ressemble davantage à un plaidoyer univoque pour la SECU, plutôt qu'à une démonstration qui laisseraient les points de vue se confronter réellement. Dommage, je l'aurais préféré plus neutre et moins engagé, laissant la liberté au spectateur de se forger sa propre opinion, plutôt que de lui imposer celle qui se dégage et à laquelle il semble, dès lors, difficile de ne pas adhérer.
N'empêche que c'est bien le seul à couvrir ce sujet d'importance cruciale, dont il est absolument nécessaire de parler. Il nous apporte des éléments historiques essentiels pour comprendre l'élaboration de cette immense œuvre sociétale qu'est la SECU. Il nous rappelle la nécessité de lutter contre ces logiques financières ambiantes parce que la santé n'est pas un marché et que la sécurité sociale est un acquis fragile, que l'on se doit de défendre.